Quand la Grèce tousse, toute l’Europe s’enrhume. Depuis le début de la crise grecque, chaque nouveau remous à Athènes se fait ressentir à Rome, Madrid et Paris. Et pour cause : si un pays d’Europe « faisait défaut », c’est-à-dire ne remboursait pas son dû, les autres seraient tous frappés par un grand effet de domino.
Et si, pour sortir de cette crise, les pays européens décidaient justement d’annuler volontairement et en même temps leurs dettes respectives ? C’est le petit test réalisé par un chercheur et des étudiants de l’école de commerce ESCP. Imaginons que l’Irlande, par exemple, accepte d’effacer l’ardoise de l’Italie, soit 9,08 milliards d’euros, si en échange les Italiens passent eux-mêmes l’éponge sur la même somme due par les Irlandais. Au final, l’Irlande ne devrait plus que quelques centaines de millions d’euros à l’Italie, qui elle aurait effacé toutes ses dettes. En procédant ainsi, les auteurs assurent que l’on pourrait réduire considérablement la dette des huit pays de la zone euro sur lesquels ils ont travaillé.
La situation avant le coup d’éponge ci-dessous...
...Et la situation après :
Un coup de gomme intégral est-il vraiment envisageable ? En pratique, pas vraiment. Car si ce sont bien les États qui empruntent de l’argent, ce ne sont pas eux qui prêtent. « Ce sont principalement les ménages privés, à travers les assurances-vie et autres organismes de placement, les banques et les assurances qui achètent les créances des États », explique Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Du coup, les États seraient 100 % gagnants, et les investisseurs 100 % perdants. Le deal semble difficile à faire accepter.
Possible mais dangereux
Et pourrait-on au moins effacer ainsi une petite partie des dettes européennes ? « Techniquement c’est possible, mais il y aura des investisseurs lésés. Dans ce cas attention, car commencer à bâtir des schémas d’annulation de dettes, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Cela revient à reconnaître qu’il est possible de ne pas rembourser un prêt en cas de difficulté, alors que le système repose depuis toujours sur le fait qu’un État remboursera ses emprunts », alerte Xavier Timbeau. Possible, mais dangereux donc.
Contacté par Terra eco, le professeur Anthony J. Evans, auteur de l’étude, reconnaît qu’il s’agit surtout d’un « exercice scolaire », basé sur des estimations. Mais, en montrant l’énorme degré d’imbrication des dettes publiques en Europe, cet exercice vise à montrer qu’au lieu de « tisser de nouvelles toiles, les dirigeants politiques feraient mieux de sortir un chiffon pour résoudre les problèmes ». « On n’en serait pas là si la gouvernance économique était plus performante en Europe », confirme Xavier Timbeau, qui prend l’exemple des États-Unis où « la Californie est en faillite sans que l’on ne pose la question de l’unité des États-Unis ». Avant de tempérer : « Je ne crois pas que des mesures structurelles puissent être prises dans l’urgence de la crise. Il manque une véritable maturité politique européenne, avec une gouvernance européenne forte ayant le soutien des citoyens. » Non, il n’y a décidément pas de solution miracle.
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