Hollande peut-il faire plonger les bourses ?
Cette nuit, à Tokyo, le Nikkei a perdu 2,69%, tandis que la bourse de Hong Kong lâchait 1,43%. A 9h ce matin, les indices européens ont aussi largement ouvert en baisse. Risque-t-on un krach boursier, semblable à celui qui avait suivi l’élection de François Mitterrand en 1981 ? Non : la baisse constatée ce matin est relativement faible.
Les marchés s’inquiètent-ils de l’élection d’un président socialiste ? Là, les avis sont divisés. « Oui », juge le Financial Times ce lundi matin : « Les investisseurs craignent que l’élection de François Hollande n’entrave les tentatives de réduction des déficits publics, ce qui leur rappelle les enjeux de la crise de la dette dans la zone euro. »
« La victoire de François Hollande à l’élection présidentielle n’a aucune incidence immédiate sur la note de la France », a toutefois tenu à relativiser l’agence Standard & Poor’s. « Ce qui alarme les marchés aujourd’hui, c’est le vote de la Grèce qui, pour moi, relance sérieusement l’hypothèse d’une sortie de la Grèce de la zone euro », nuance également Andrea Tuéni, analyste chez Saxo Banque.
« Les marchés n’en ont rien à faire du programme de François Hollande. Ce qui les intéresse, ce sont les élections en Grèce qui laissent le pays quasiment ingouvernable », confirme Eric Valatini, trader en Asie et blogeur. Les Grecs, qui votaient ce dimanche aux législatives, ont en effet sanctionné les deux principaux partis adeptes de l’austérité. L’extrême-gauche a fait une percée (18% des voix) et le parti néonazi est entré au Parlement (6,9%). Preuve que ce sont bien ces élections qui inquiètent les investisseurs : la Bourse d’Athènes chutait de 8 % à 10h ce lundi matin.
La fin de l’austérité a-t-elle sonné ?
« Aujourd’hui même, responsable de l’avenir de notre pays, je mesure aussi que l’Europe nous regarde et, au moment où le résultat a été proclamé, je suis sûr que dans bien des pays européens, cela a été un soulagement, un espoir, l’idée qu’enfin l’austérité ne pouvait plus être une fatalité. » A peine élu, François Hollande a annoncé un changement de cap pour l’Europe.Le Prix Nobel d’Économie Paul Krugman, grand opposant de l’austérité, s’en félicite ce lundi matin dans un édito publié par le New York Times. Pour lui, les votes français et grecs étaient des référendums sur l’austérité. Et les Européens ont voté non. Appelant de ses vœux un nouvel axe franco-allemand, celui-ci juge même : « Croyez-le ou pas, l’euro et le projet européen ont désormais plus de chance de survivre qu’ils n’en avaient il y a quelques jours. »
Andrea Tuéni ne s’attend lui pas à un grand changement de cap : « Les positions de François Hollande ne sont pas si éloignées de celles de Nicolas Sarkozy » . « Angela Merkel a clairement la main. Elle se positionne comme celle qui a géré la crise depuis des mois, tandis que François Hollande préside un pays dont les banques sont en grande difficulté. Pour moi, François Hollande a peu de chance de faire changer de direction l’Europe », juge également Eric Valatini.
L’urgence c’est maintenant ?
Même les proches du nouveau candidat le concèdent, François Hollande ne connaîtra pas d’état de grâce. Il lui faudra prendre ses décisions dans l’urgence avec en ligne de mire plusieurs échéances cruciales et très proches :
Les 17 et 18 mai : La Grèce a jusqu’au 17 mai pour former un nouveau gouvernement. « Le FMI (Fonds monétaire international, ndlr) a adressé un ultimatum à la Grèce pour la formation d’un nouveau gouvernement et l’acceptation des mesures de rigueur d’ici là. Dans le cas contraire, le versement des tranches d’aide sera suspendu », annonce Andrea Tuéni. Le lendemain Hollande participera à sa première réunion internationale à Camp David, pour le sommet du G8.
Début juin : « François Hollande a deux ou trois semaines pour s’accorder avec Angela Merkel. Il y a plusieurs échéances de dettes qui arriveront ensuite, notamment un remboursement de 14 milliards de dollars (10,7 milliards d’euros) le 25 juin pour la Grèce. Ils devront être d’accord d’ici là », estime le trader Eric Valatini. Dans le même temps, les Français voteront au premier tour des élections législatives le 10 juin.
Mi juin : Le 17 juin, les Français voteront pour le second tour des législatives. Le lendemain, François Hollande participera au sommet du G20 à Los Cabos, au Mexique, avant dix jours plus tard un Conseil européen à Bruxelles. Un rendez-vous crucial : ce sera le dernier avant les vacances parlementaires dans la plupart des pays européens. « François Hollande a 45 jours pour parvenir à un accord européen qu’il pourra vendre comme un succès », résume le journaliste et fondateur de Rue89 Pierre Haski dans un éditorial publié par le quotidien britannique The Guardian.
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