Raconte-moi ton éco-quartier |
Par Antoine Louchez Par Thibaut Schepman |
Hanovre a raté son melting-pot |
Des barres d’immeubles qui longent une voie de tramway. C’est la première vision que l’on a de Kronsberg, après quinze minutes de trajet depuis le centre-ville d’Hanovre. L’ensemble ressemble davantage à une cité-dortoir française de l’après-guerre qu’à des bâtiments basse consommation alimentés uniquement par des énergies renouvelables. C’est pourtant bien un éco-quartier qui nous fait face.
En s’enfonçant plus avant dans cette zone résidentielle de plus de 7 000 habitants, on remarque que les immeubles sont disposés en carré. Au centre de chaque bloc d’immeubles se trouvent des jardins fleuris, une aire de jeux pour enfants ou une mare née du système très avancé de récupération des eaux de pluie. Dans ces immeubles, la répartition des habitations a été pensée pour assurer la plus grande mixité sociale possible. Une moitié des logements est réservée à la location à bas prix, accessible en priorité aux migrants ou sur critères sociaux. L’autre moitié est louée sans dispositif particulier. A l’est, plus près de la nature, on trouve des maisons réservées aux propriétaires.
Kronsberg est l’un des quartiers d’Hanovre où la mixité – sociale et culturelle – est la plus grande. « Près de 45% des habitants reçoivent des allocations logement, tandis que l’autre moitié appartient à la classe moyenne », explique Ingrid Rudolph, en charge des affaires sociales du quartier. Et de nombreuses nationalités cohabitent : une majorité d’Allemands, mais aussi beaucoup de Russes, de Turcs, de Polonais, d’Ukrainiens. « Ici, tout a été pensé pour que les personnes différentes communiquent. Trois fois par an, nous invitons les nouveaux arrivants à une fête dans le centre culturel du quartier où ils peuvent se rencontrer et rencontrer les anciens », poursuit Ingrid Rudolph. « Il y a aussi des salles communes dans chaque immeuble pour que les habitants se rencontrent. » Et les nombreux jardins, parcs et mares sont autant de lieux où les résidants se retrouvent entre les blocs d’immeubles. Dix ans après sa construction et alors que Kronsberg est cité en modèle dans le pavillon allemand de l’exposition universelle de Shanghai, que penser de cet « urbanisme au service de la mixité » ?
« Vous voyez la petite rue devant notre maison ? », lance Axel Brassler, qui possède l’une des maisons de l’est du quartier. « C’est ici que passe la frontière entre ceux qui sont propriétaires et ceux qui louent. Nous sommes très contents de notre voisinage, mais nous ne rencontrons jamais ceux qui louent. Ils vivent plus loin et ne viennent pas quand on les invite aux fêtes des voisins », explique-t-il. Pour lui, « les frontières sont dans les têtes, il est trop tard pour revenir sur les différences de langue, de culture, d’éducation ». Avant d’ajouter : « les seuls moments où les gens se croisent, c’est lors des anniversaires organisés pour les enfants. »
A l’école primaire du quartier, « il n’y a aucun problème d’intégration », assure Irk Osburg, professeur en poste depuis trois ans dans cette école qui attend 460 élèves à la rentrée. « Je n’ai jamais vu les élèves faire de différence entre les communautés ou les classes sociales. » Les seuls problèmes viennent des parents qui ne parlent pas l’allemand. Dans ce cas, ce sont leurs enfants qui assurent la traduction.
La politique très volontariste de Kronsberg en faveur des plus jeunes est sans nul doute la raison de ce succès. Un gros effort pédagogique est fait pour s’assurer le succès des installations. Pour preuve, cette carte de Kronsberg que reçoit chaque enfant du quartier, parcourue de symboles de crèches, terrains de jeux, écoles… et marchands de glaces !
Cette volonté pédagogique contraste avec le manque total d’informations disponibles sur les infrastructures écologiques. Les bilans de la consommation des logements et du système de gestion de l’eau sont très bons. Mais l’agence environnementale de Kronsberg, Kuka, chargée de l’évaluation du projet a fermé ses portes après son premier bilan. Personne n’a pris le relais de sa deuxième mission : l’information des habitants. « Cela n’intéresse pas les gens. Ici, la plupart des personnes n’ont jamais entendu parler de développement durable et ne veulent pas en savoir plus. Les livres de la bibliothèque qui parlent d’écologie n’étaient jamais empruntés, nous les avons remplacés par des ouvrages sur la vie de famille et l’éducation. Cela les intéresse plus, puisque beaucoup de gens ont des enfants », estime Ingrid Rudolph.
Mais là aussi, les frontières sont dans les têtes. Habiter dans un logement à basse consommation n’a pas changé les habitudes de vie. Personne ne voulait des fruits et légumes locaux et les producteurs ne tiennent plus de marché le vendredi matin. L’utilisation de la voiture reste monnaie courante, notamment à cause de l’éloignement des lieux de travail. Et pour les plus jeunes ? Leur sensibilisation passe au second plan. Pourtant, de nombreux exemples concrets sont à portée de main. « J’explique comment fonctionnent les panneaux solaires à mes élèves. Et grâce aux mares, je peux leur apprendre le cycle de l’eau ou leur montrer la vie des petits mammifères, avance Irk Osburg. Ils en redemandent. »
Pour découvrir ce que pensent de leur quartier Irk, Ellen ou Oliver, cliquez sur les icônes « + » près de leurs visages.
Musique : Matthias Glenn
Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir. |
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