Ce serait beau qu’une des plus grandes banques de la planète nous aide à construire un habitat écolo, non ? « Dans le futur, votre investissement immobilier sera encore plus durable », annonce HSBC sur la page d’accueil de son site Internet et dans une publicité publiée à la rentrée dans les magazines. En illustration de sa belle prédiction, la banque britannique nous montre une ville verte faite de gratte-ciel en bambou. Ah oui, ce serait beau. Et pendant une seconde, j’y ai cru.
Stratégie
Avec 60 millions de clients dans 84 pays, HSBC Holdings est la sixième plus grande entreprise cotée en Bourse, selon le classement 2012 du magazine Forbes. Le groupe britannique atteint 102 milliards de dollars (78 milliards d’euros) de chiffre d’affaires et 16,2 milliards de dollars (12,5 milliards d’euros) de bénéfices. Il vend des services bancaires, des assurances, et des prêts immobiliers.Voilà ce que propose la pub à la ville de bambou, après quelques détours : « Les écoquartiers poussent toujours plus vite dans nos villes et transforment l’habitat du XXIe siècle. Investir dans un bien immobilier reste un choix pérenne pour construire votre patrimoine et celui de votre famille. HSBC vous propose ses meilleurs taux et vous accompagne pour concrétiser votre projet immobilier : acquisition de votre résidence principale ou secondaire, investissement locatif, prêt dédié à vos travaux. Un nouveau monde émerge. Soyez-en l’architecte. »Oh oui, je veux être Jeanne Nouvelle ! Alors je vais fouiller sur le site Internet, sûre de trouver des taux préférentiels pour mon super projet d’habitat coopératif avec panneaux solaires et récupération d’eau de pluie. Ce que je vois ? Une page « développement durable ». HSBC y affirme par exemple que « prêter et investir de manière durable guident les politiques de gestion des risques et la stratégie de développement d’affaires ». Soit. Mais sur d’éventuels avantages pour mon prêt immobilier écolo ? Nada.
Cas d’école
Alors j’appelle le numéro de téléphone indiqué sur la pub. Cela va me coûter 7,8 centimes puis 2,8 centimes par minute. Je tombe sur un charmant jeune homme à qui je raconte ma découverte de la pub super green et mon projet immobilier tout vert. Je lui demande à quels avantages j’ai droit. « Je n’ai pas les éléments de réponse. » Suit un interrogatoire sur ma situation financière, ma date de naissance, celle de ma moitié, etc. Neuf minutes et quelques dizaines de centimes plus tard, me voilà dotée d’un rancard téléphonique avec la conseillère d’une agence parisienne.A l’heure dite, une personne tout aussi charmante m’appelle. La ville en bambou ne lui rappelle rien du tout. Jamais entendu parler. Elle s’excuse, elle revient de vacances. Elle va se renseigner… Merci d’avoir patienté, « c’est simplement un prêt classique » ! Mince alors. Qu’en dit le service de presse du siège social français ? « J’attends de plus amples informations des spécialistes pour que vous ayez un peu de matière ! Et malheureusement, ça traîne. » Puis : « Il y a une initiative-pilote, ce qui explique les délais dans les réponses. » Ouh là, ça a l’air costaud. Quand soudain : « Je n’ai pas eu l’autorisation de communiquer à ce stade. Désolée. » Pas autant que moi.
Verdict
Mon rêve en bambou brisé, je suis allée chercher la petite bête. Et j’en ai trouvé de grosses. Une commission d’enquête du Sénat américain a révélé que HSBC a laissé transiter par ses coffres aux Etats-Unis 7 milliards de dollars (5,3 milliards d’euros) d’argent sale provenant des cartels mexicains de la drogue entre 2007 et 2008. Et l’association de consommateurs anglaise Ethical Consumer lui a attribué une des pires notes dans son guide des banques : 2,5/20. Pourquoi ? Parce que le groupe possède 1 527 filiales, dont 36 % dans des paradis fiscaux. Il finance aussi une mine d’or en Indonésie qui contamine le sol et une entreprise qui extrait du pétrole sur la côte birmane, écologiquement fragile. Quoi d’autre ? Il a consacré 4,432 milliards d’euros au financement de centrales et de mines de charbon depuis 2005 et 7,568 milliards d’euros pour le secteur nucléaire entre 2000 et 2009. Last but not least, il compte des investissements dans les pétroles bitumineux au Canada. HSBC a raison : « Un nouveau monde émerge », avec des écoquartiers et des maisons parfois en bambou. Mais si vous voulez en être, elle n’est pas la banque qu’il vous faut. —Avis de l’expert : 1/5
Jean-Marc Gancille, directeur du développement durable à l’agence Inoxia
« Si l’on se réfère au récent guide anti-greenwashing publié par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) on en constate presque tous les ingrédients : un mensonge, puisqu’il n’y a rien d’écologique ; des mots vagues ; des informations insuffisantes sur le Web que les conseillers ne sont pas en mesure de clarifier… Par ailleurs, les preuves sont inexistantes et l’image trop suggestive. Bref, une annonce anachronique à un moment où les règles élémentaires d’une communication plus responsable sont diffusées et connues. »
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