Mise à jour le mercredi 28 novembre 2012 : Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a déclaré : « Nous n’acceptons pas la fracturation hydraulique mais nous travaillons à imaginer une nouvelle génération de technologies propres qui permettraient d’extraire sans abîmer (l’environnement, ndlr), franchement quel bon sens ! »
Mise à jour le vendredi 16 novembre 2012 : Le Sénat vient de demander à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de se pencher sur les solutions alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploitation des gaz et pétrole de schiste, rapporte La Tribune. Une manière de pallier l’absence de « commission nationale d’orientation » pourtant prévue par la loi de juillet 2011. |
La France doit-elle exploiter les gaz de schiste qui dorment peut-être dans son sous-sol ? Après des semaines de cafouillages, la réponse de François Hollande était très attendue. Le président de la République a précisé sa position le 14 septembre dernier, lors de la conférence environnementale, en déroulant 3 arguments :
1) « Dans l’état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement. »
2) La fracturation hydraulique est la « seule technique aujourd’hui connue » pour exploiter ces gaz
3) Les demandes de permis d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures mentionnant la fracturation hydraulique seront refusées, comme le veut la loi du 13 juillet 2011 Mais en plus, sept permis qui ne visaient pas explicitement l’utilisation de la fracturation hydraulique et des gaz de schiste ont également été annulés. Selon un conseiller du Président cité par Le Point, une analyse de ces permis a été réalisée. Elle a révélé que ce ne pouvait être, vu la profondeur à laquelle ils souhaitaient aller, que des puits ayant recours à la fracturation hydraulique pour l’exploitation des gaz de schiste
Montebourg contredit Hollande
François Hollande a donc « fermé la porte » aux gaz de schiste, en a-t-on conclu. Est-ce vrai ? Pas vraiment, comme le rappelait Arnaud Montebourg dans une interview au Monde à l’issue de cette même conférence : « Si François Hollande a condamné l’exploitation par la fracturation hydraulique des gaz de schiste dans un discours qui a été bien accueilli par les écologistes lors de la conférence environnementale, il n’en a pas pour autant renoncé définitivement à cette ressource. » Le ministre du Redressement productif le confirme : la porte reste ouverte.Comment est-ce possible ? Certes, la loi du 13 juillet 2011 interdit la méthode d’exploitation des gaz de schiste et le Président a annoncé qu’il refuserait les permis qui y ont recours. Mais il n’a toujours pas annoncé de moratoire ou d’interdiction pure et simple de l’exploitation de ces gaz. Cette lacune, de taille, avait déjà été dénoncée lors du vote de la loi du 13 juillet 2011. A l’époque c’était… l’opposition socialiste qui montait au créneau. Comme le rappelle le blog Les décodeurs, le groupe parlementaire PS avait déposé quelques jours après le vote de ce texte une proposition de loi visant à prohiber l’exploitation des gaz de schiste, quelle que soit la technique employée. Voilà leurs arguments à l’époque :
« Le texte adopté n’interdit nullement l’exploration et l’exploitation d’autres hydrocarbures non conventionnels. Il interdit simplement la fracturation hydraulique, la technique communément utilisée aujourd’hui pour récupérer, notamment, les hydrocarbures de schiste. (...) Or, d’autres techniques existent et ont un impact aussi important sur l’environnement que la technique interdite par le texte. » Alors, qui dit vrai ? D’autres techniques existent-elles ?
Au moins trois alternatives sérieuses
Nous avons posé la question à Gérard Medaisko, géologue et membre de l’Amicale des foreurs et des métiers du pétrole. L’homme, qui assure avoir assisté à plus de 1 500 opérations de fracturation dans sa vie, évoque une alternative déjà utilisée par les industriels :1) La fracturation « non-hydraulique » ou « pneumatique », grâce à l’hélium liquide :
« La société Chimera a réussi à utiliser de l’hélium liquide pour la fissuration. Quand l’hélium liquide arrive au contact de la roche-mère, il se transforme en gaz et son volume augmente de 700 fois, ce qui permet la fracturation », explique le géologue. Le directeur de cette entreprise, Valdamar Perez Rios, assurait récemment que cette technique ne nécessite ni eau ni produits chimiques toxiques et que l’hélium est le gaz le moins soluble dans l’eau. Une équipe de Chimera est installée depuis fin août au Mexique pour fracturer des roches via cette technique. Pas encore convaincus ? Sur son site internet, la société assure dans une vidéo promotionnelle que sa technique est plus sûre, meilleure pour l’environnement et moins chère que les autres. Gérard Medaisko ne doute que sur un point : « Le seul élément que l’on connaît encore mal, c’est le prix de revient de cette technique. »
François Kalaydjian, directeur adjoint du Centre de résultats ressources à IFP Energies nouvelles, estime lui que l’ensemble des techniques alternatives nécessitent aujourd’hui encore des recherches. Mais en mentionne une autre, testée plus de 1 500 fois en Amérique du Nord : la stimulation de puits par injection de propane.
2) L’injection de propane :
La méthode a été lancée par l’entreprise canadienne Gasfrac Energy Services, qui elle aussi vante ses qualités environnementales. Le propane pourrait remplacer l’eau, être récupéré totalement à la fin du processus et serait donc non polluant. Par ailleurs, cette technique nécessiterait moins de produits toxiques, selon ses concepteurs.
On évoque également des expériences de fracturation par arcs électriques, ou via l’injection de CO2, mais les deux spécialistes interrogés assure que ces méthodes sont peu avancées. Reste une troisième voie :
3) Une fracturation hydraulique plus « propre » :
« La fracturation hydraulique est, du point de vue énergétique, la plus efficace. De plus, c’est une technique largement maîtrisée. Il y a eu plus de 2 millions de stimulations de ce type depuis cinquante ans sur la surface de la planète », explique François Kalaydjian. Celui-ci assure que l’on peut travailler à la réduction de la consommation d’eau ou à l’utilisation de produits chimiques non toxiques dans le processus industriel. Deux arguments que confirme Gérard Medaisko.
Les industriels comptent-ils développer ou utiliser ces techniques en France ? Le groupe Total balaye ces propositions de la main : « Il n’existe pas d’alternative à la fracturation hydraulique, seulement des travaux en laboratoire. La seule perspective crédible est l’amélioration de la fracturation, qui est une technique connue et maîtrisée depuis cinquante ans. » Toreador avait annoncé après le vote de la loi du 13 juillet dernier vouloir continuer ses recherches sans utiliser la fracturation hydraulique. Avec quelles techniques ? « Nous communiquerons en temps voulu aux autorités françaises les documents et confirmations appropriés à cet égard », s’étaient contentés de répondre les intéressés. Personne n’était disponible dans l’entreprise pour répondre à nos questions.
Reste une grande question. Que se passera-t-il si un industriel tente d’utiliser l’une de ces autres techniques en France, et demande un permis en ce sens ? « S’il y avait d’autres techniques, il y aurait un autre débat », avait répondu Delphine Batho au micro de RTL le 13 septembre dernier. Contactée depuis par Terra eco, la ministre de l’Ecologie ne souhaite pas faire d’autres commentaires…
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