Au lendemain de l’intervention au journal télévisé du président de la République, l’essentiel n’est pas nécessairement de savoir si celui-ci a ou non respecté ses engagements, si le ton était le bon, si les annonces étaient les plus pertinentes, si le « calendrier » sera tenu. Si l’on postule que la crise que nous traversons n’en est pas une, que la croissance ne reviendra pas ou pas de sitôt, que l’enjeu est une société prospère même sans croissance et même avec une énergie chère, que le paradigme doit être celui du développement durable, qu’aucune politique publique ne peut réussir sans être pensée sans l’Europe, bref, si l’on considère que le monde est en train de basculer : le logiciel du Président de la République est resté celui du monde d’hier. En clair, la question est la suivante : les hypothèses de base de la feuille de route du président de la République sont-elles les bonnes ?
Le chef de l’Etat a en effet fixé un cap : retrouver la « croissance » économique dans un délai de deux ans. Pour atteindre cet objectif, les moyens présentés sont principalement une nouvelle réforme du code des impôts et l’appel au « patriotisme » économique. « Croissance », « patriotisme » : dommage qu’il n’ait pas été question de la conférence environnementale que François Hollande doit pourtant ouvrir vendredi prochain. Dommage que l’évocation de la transition énergétique ait tout de suite été accompagnée de l’assurance que la « part du nucléaire » resterait majoritaire jusqu’en 2025. Dommage que François Hollande n’ait pas développé sa vision de l’Europe alors que le débat sur le traité de discipline budgétaire fait rage.
La classe politique ignore le bouillonnement culturel
L’ancien Premier ministre Michel Rocard, le philosophe Marcel Gauchet : les voix ont été nombreuses, dans la presse, ces derniers jours, à appeler le Président de la République à ne pas avoir le retour de la croissance pour seule ligne de mire. Tim Jackson, Lester Brown, Jeremy Rifkin : les livres consacrés au basculement du monde se multiplient. Des nouvelles économies, plus circulaires, plus collaboratives se créent. Fondées sur la sobriété, la réutilisation des matières premières, les économies d’énergie, l’essor des nouvelles technologies de l’information, des « cleantech », des « greentech », le développement des énergies renouvelables, distribuées et décentralisées. En somme, un bouillonnement culturel est en cours mais une grande partie de notre classe politique continue invariablement à l’ignorer, à s’en écarter. Et préfère parler de nucléaire, de baisse des prix de l’essence, de relance du débat sur les gaz de schiste, de croissance, de consommation, d’aéroport…Il est temps de changer de logiciel au profit de celui du développement durable.
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