Ça y est, vous avez souscrit à une offre "100% électricité verte". Quel bonheur de s’éclairer à l’énergie renouvelable ! Sauf qu’il y a un hic : "c’est la même électricité qui est livrée à tous les clients raccordés au réseau électrique français, quels que soient le fournisseur et le type d’offres", explique le site Energie Infos, mis en place fin octobre par le médiateur national de l’énergie. "Si vous êtes sous un contrat prétendument énergies renouvelables et que vous branchez votre aspirateur à 19 heures en pleine pointe de consommation, vous serez alimenté par des centrales au charbon", résume Nadine Levratto, économiste à l’université Paris X.
Cette précision faite, à l’autre bout de la ligne, est-ce bien vert ? Pas forcément. Pour bien comprendre, suivons à la trace le parcours de l’électricité « verte ». Quelque part en Europe, une éolienne tourne et injecte des électrons sur le réseau. Là, pas de chichi, ils se mélangent allègrement avec leurs collègues issus des centrales hydrauliques, nucléaires ou à charbon. Seul le propriétaire de l’éolienne sait donc combien d’électrons verts il a produit à la source. Imaginons que vous consommez dans l’année 1 000 kWh (1 MWh) - oui vous êtes très économe. En toute logique, votre fournisseur doit donc avoir produit cette quantité d’énergie avec ses propres éoliennes ou l’avoir achetée à quelqu’un qui en possède. Ce qui sort votre prise n’est pas très propre, mais au moins vous vous dites que du côté de votre fournisseur, les emplettes correspondent à du 100% renouvelable.
Virtuellement vert
Raté : votre fournisseur peut également acheter un certificat vert. La plupart des offres s’appuient d’ailleurs sur cette troisième possibilité. Le problème, c’est qu’avec ce système, porté par les principales compagnies d’électricité européennes au sein de RECS [1], "un fournisseur qui achète de l’électricité nucléaire sur le marché de gros peut très bien revendiquer son attachement aux valeurs du développement durable dans ses prospectus commerciaux grâce aux certificats verts qu’il aura acquis auprès d’autres opérateurs", explique Nadine Levratto dans un travail de recherche sur le sujet.Comment ce tour de passe-passe est-il possible ? Un certificat vert permet à un producteur, qui n’est pas lié spécifiquement à un fournisseur et vend son électricité sur le marché de gros européen,de prouver qu’il a bien injecté sur le réseau 1 MWh "vert". Cette attestation rentre alors dans un marché parallèle et peut être vendue de manière totalement déconnectée de l’électricité réelle à laquelle il correspond.
C’est là qu’intervient votre fournisseur : en réponse à votre MWh, il "achète ou produit de l’électricité « standard » et la revend à ses clients avec en complément un certificat vert", explique Energies Infos. En détruisant ce dernier, il réserve ainsi en quelque sorte le MWh d’électricité verte correspondant, qui ne peut plus être revendiqué par quelqu’un d’autre. Vous l’avez "consommé", virtuellement.
Un impact marginal
Une pirouette qui représente une arme de communication intéressante pour les entreprises, à qui le marché à été ouvert en premier. Les éco-citoyens seront peut-être plus réservés. Car cette transmutation du nucléaire en vert ne change en rien le fond du problème : en quoi votre geste permet-il de développer les énergies renouvelables ? Cette électricité verte "attribuée de manière fictive à des consommateurs (...) aurait de toute manière été produite et consommée sans eux", note encore l’économiste Nadine Levratto.Certes, il fournit un revenu supplémentaire, et donc une incitation, aux producteurs d’énergies de ce type. Mais il s’agit souvent de propriétaires de barrages, "qui est une technologie largement amortie et parmi les plus rentables", précise de son côté Greenpeace. "Avec les offres basées sur des certificats verts, je ne contribue que marginalement au surcoût de production de l’électricité « verte ». En effet, les installations de production correspondantes bénéficient également, en général, du dispositif d’obligation d’achat", confirme Energies Infos.
Le vrai moteur est là : pour soutenir le développement de ces filières, EDF doit acheter l’électricité renouvelable, à un tarif très avantageux. Pour les panneaux solaires, il atteint 600€/MWh contre 45€/MWh en moyenne pour l’électricité "standard" sur le marché européen. Ne vous inquiétez pas pour EDF : ce sont les consommateurs (d’EDF comme des autres fournisseurs) qui financent cette différence, via la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui apparaît au bas de leur facture et est reversée au groupe. Ce qui n’empêche pas un producteur de vendre en parallèle un certificat vert et donc de faire payer une deuxième fois la "valeur verte" de son électricité aux clients du fournisseurs.
Vrais fournisseurs alternatifs
Voilà la "Chloé Touteperdue" [2] définitivement larguée... Que faut-il faire alors ? Pour commencer regardez ce que votre fournisseur achète réellement. Mais surtout scrutez les "à côtés" : quels sont les investissements promis dans le renouvelable, quelle est la politique en terme de réduction des consommations, ou en terme de développement durable en général ?Et si vous n’êtes pas convaincu, mettez vous à la recherche d’un modèle alternatif. Par exemple, Planète OUI achète des certificats mais aussi l’électricité qui va avec en Allemagne, Belgique, Suisse... Le chouchou des comparatifs, Enercoop, passe exclusivement par des accords avec des producteurs français. Mais cela a un prix, qui a d’ailleurs poussé Planète OUI à faire ses courses vertes à l’étranger : puisque les producteurs peuvent vendre leur courant au prix fort à EDF, Enercoop doit les payer un tarif équivalent s’il veut les convaincre. Mais à la différence d’EDF, la coopérative ne touche aucun remboursement de l’État.
Elle a d’ailleurs déposé une plainte en 2006 devant la Commission européenne, pour dénoncer ce que le PDG de Planète OUI Nicolas Milko appelle le "monopole d’EDF sur la CSPE". Le problème pourrait être résolu par la loi NOME, dont l’examen est prévu au printemps 2010. Une loi qui doit permettre de répondre aux nombreuses critiques de Bruxelles sur le marché de l’électricité français. "A ce jour, le gouvernement ne nous a pas consulté", regrette Nicolas Milko.
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