La politique d’extrême rigueur budgétaire mise en œuvre par le gouvernement espagnol enfonce chaque jour un peu plus l’Espagne dans la crise et la récession. Même Christine Lagarde souhaite désormais, au nom du FMI, une politique de rigueur un peu moins drastique.
« Quand c’est nécessaire et possible, il faut réduire le rythme de l’ajustement budgétaire. C’est certainement une position que nous avons soutenue dans le cas du Portugal et de l’Espagne », vient d’expliquer Christine Lagarde lors d’un discours à Washington. L’analyse est nouvelle de la part directrice générale du FMI. En juillet dernier, le Fonds monétaire international avait qualifié sans sourciller de « pas dans la bonne direction » l’annonce par le chef du gouvernement espagnol d’un plan drastique de réduction des dépenses publiques de 65 milliards d’euros. Avec pour objectif de repasser sous la barre des 3% de déficit avant la fin 2014.
Mais les ravages sociaux et économiques engendrés par la purge administrée à son pays par le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, sont tels que le FMI, comme les marchés financiers, s’inquiètent de cette spirale infernale. Mieux vaut une convalescence plus longue qu’un malade risquant de trépasser pour surdosage de médicaments.
Coupes à la hache
Ceci d’autant plus que le patient se refuse à demander de l’aide extérieure. La Banque centrale européenne se dit prête à un nouveau programme d’achat d’obligations pour les pays les plus fragiles de la zone euro, notamment l’Espagne, mais Mariano Rajoy fait la sourde oreille. Il prétend défendre son autonomie budgétaire. Mais en a-t-il les moyens ? Pas vraiment. La maison brûle, mais peu importe, il déclare hier encore, qu’il « ne pourrait pas accepter qu’on lui dise dans quel domaine politique concret il faut ou non couper ».Or, en la matière, son gouvernement n’a de leçon à recevoir de personne. Il coupe à la hache depuis des mois dans tous les budgets publics, réduisant ainsi à néant tout espoir de retour à la croissance.
11,7 millions d’Espagnols risquent la pauvreté
Ceci alors que la pauvreté ne cesse de progresser en Espagne. Une exclusion qui met à mal sa cohésion sociale. Dans une série de publications, l’ONG Caritas et la Fondation Foessa plaquent sur les chiffres de la crise espagnole les sombres réalités sociales qu’ils impliquent. Le secrétaire général de Caritas, Sebastián Mora, dresse le portrait d’un pays touché de plein fouet par « une pauvreté plus étendue, plus intense, et plus chronique », frappant « une société qui tourne toujours un peu plus à deux vitesses. Nous ne parlons plus de situations de pauvreté passagères, mais d’années passées sous le seuil de pauvreté, y compris pour des gens qui ont un emploi et continuent comme travailleurs pauvres ».Aujourd’hui, l’Espagne doit encaisser un niveau de pauvreté parmi les plus élevés de l’UE à 27 : 21,8%, selon cette étude, soit plus d’un Espagnol sur cinq vivants sous le seuil de pauvreté. Un chiffre semblable aux deux pays dont les populations sont les plus démunies de l’UE, la Roumanie (21,1%) et la Lettonie (21,3%). Juste au dessus du fatidique seuil de pauvreté, le risque de pauvreté (autre indice de l’exclusion) concerne, cette fois, quelque 11,7 millions de personnes en Espagne : un quart de la population (25,5%).
Les inégalités augmentent
Et la situation continue de s’aggraver. Les Espagnols ont ainsi perdu 4% de revenus entre 2007 et 2010. La société espagnole se paupérise et se polarise. Sur la même période, l’écart de revenus entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres a progressé en Espagne comme nulle part ailleurs en Europe.Tout en bas de l’échelle, 580 000 foyers ne recevaient, à la fin 2011, aucun revenu : ni salaire, ni allocation chômage, ni prestation sociale. C’est une augmentation de 34% par rapport à l’avant crise économique.
Le taux de chômage en Espagne a atteint 25%. Dans une économie en récession, la consommation ne cesse de diminuer depuis… deux ans.
Cet article de Renaud de Chazournes et Benjamin Leclercq a initialement été publié sur Myeurop le 25 septembre 2012
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