En 2007, lors du Grenelle certains attendaient un moratoire sur l’énergie nucléaire. En décembre 2010, le Gouvernement en a décrété un sur l’énergie solaire. Sur toutes les énergies renouvelables en réalité. Alors que les éoliennes croulent sous de nouvelles contraintes administratives, les panneaux photovoltaïques sont ensevelis sous une avalanche de textes dont le seul intérêt est de permettre à l’Etat de changer la règle du jeu tous les quatre matins. A l’opposé, la géothermie ou la biomasse attendent, eux, des textes, pour émerger. C’est trop de texte ou pas de texte et à l’horreur économique succède donc l’horreur juridique. Résultat, les professionnels sont perdus et les consommateurs sont inquiets. La tactique est donc subtile : plutôt que d’interdire tout bonnement le développement des énergies propres, le Gouvernement a choisi de les étouffer silencieusement, sans que cela ne se voie trop. Pas seulement en compliquant toujours plus des procédures d’autorisation interminables. En salissant leur image aussi.
Et de ce point de vue c’est une opération de communication très réussie à laquelle nous avons droit depuis plusieurs semaines, avec un but clair : diabolisation du solaire et banalisation du nucléaire. Pour ce faire, le vocabulaire a été modifié en empruntant à l’univers hostile des traders. Plus question de parler d’ « éco entrepreneurs » mais de « spéculateurs ». Plus question de parler de « leviers de croissance verte » mais de « niches fiscales » ou de « bulle spéculative ». C’est ainsi que l’éolienne devient un épouvantail et la centrale atomique un paquet cadeau aux générations futures. Mieux, alors que la puissance installée en énergie solaire demeure en deçà de la barre des 1000 MW, le consommateur est prié de croire que sa facture d’électricité va exploser parce que des agriculteurs captent la lumière du soleil sur leurs hangars. L’univers des énergies renouvelables devient impitoyable.
Pourtant, rappelons-nous : 2007 et le Grenelle de l’environnement. A cette époque, le passage aux énergies vertes, aux bâtiments verts et aux métiers verts est érigé en priorité nationale. Devant Al Gore et Nicolas Hulot, le Président de la République faisait les louanges de la démocratie écologique et de la gouvernance à 5. Mais les vieux réflexes sont tout à fait revenus. On prend les décisions avant de débattre. On convoque des ministres pour décider d’un moratoire puis on convoque les représentants des professionnels pour l’entendre. Mieux, on fait convoquer lesdits représentants par M. Charpin, l’auteur d’un récent rapport à charge contre le photovoltaïque au point qu’il aurait pu être directement commandité par EDF, et qui a été à l’origine même du moratoire dont il est question de discuter. Et où ?! A Bercy, chez ceux qui conçoivent toujours l’écologie comme un coût, jamais comme une économie. Officiellement, il s’agit d’une « concertation » et les défenseurs de l’énergie solaire n’ont malheureusement pas d’autre choix que d’y participer. Restons sérieux, cette « concertation » ne devrait cependant pas permettre d’échapper à une nouvelle baisse des tarifs d’achats et à la mise à la corbeille de la plupart des projets en cours. Ouf ! La menace insupportable que fait peser le photovoltaïque sur notre économie est provisoirement écartée. Faut-il en rire ou en pleurer ?
Que faire ? Baisser les bras ? Ce serait dommage car les idées et propositions pour sortir de cette situation existent. Se battre pour la transparence des coûts et du nucléaire et des renouvelables est un préalable. Depuis deux ans, le Gouvernement ne cesse d’agiter des chiffres terrifiants pour démontrer l’existence d’une explosion des projets d’installations solaires qui pourraient recouvrir tous nos territoires et mettre en péril le pouvoir d’achat des citoyens déjà frappés par la crise. Pourquoi ne pas rendre enfin publics les données de la « file d’attente », c’est-à-dire le nombre et les caractéristiques précises des projets en attente de raccordement et de contrats d’achat ? S’agissant des tarifs d’achat, les énergies renouvelables sont sans doute le seul secteur dont les représentants sont d’accord pour une baisse de la rentabilité de leur activité en contrepartie d’un cadre juridique clair, stable et durable.
Enfin, nul ne conteste sérieusement que les installations de production d’énergie propre peuvent elles aussi, si l’on n’y prend garde, impacter l’environnement ou réduire les surfaces agricoles. Les codes de l’environnement et de l’urbanisme doivent bien sûr être appliqués ici comme ailleurs. Nul ne conteste non plus que la production d’énergie n’a pas vocation à faire travailler des défiscalisateurs mais bien des entrepreneurs respectueux des consommateurs. Ici aussi appliquons si besoin les règles existantes sans nécessité d’en écrire tous les jours de nouvelles ! En définitive se battre pour la sobriété et l’efficacité énergétiques, et un développement maîtrisé mais sûr des énergies vertes est un impératif pour sortir de l’ancien monde, celui des énergies nucléaire et fossiles toujours plus chères, plus rares et plus polluantes. C’est dire s’il est urgent de se mobiliser alors que la guerre aux énergies renouvelables a été déclarée.
Raphaël Claustre, Directeur du Comité de Liaison Energies Renouvelables (CLER)
Hélène Gassin, Vice-présidente Europe Ecologie-Les Verts à l’environnement, l’agriculture et l’énergie, Région Ile de France
Arnaud Gossement, Maître de conférences à Sciences Po
Marc Jedliczka, Directeur général d’Hespul
Richard Loyen, Directeur général d’Enerplan
Mickaël Marie, Trésorier national d’Europe Ecologie-Les Verts
Thierry Salomon, Président de l’association Négawatt
Yann Werhling (Porte-parole du Modem)
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