Les 17 candidats, déclarés ou supposés à l’élection présidentielle, ont reçu cet été un document de 28 questions posées par Greenpeace, sur 3 grands domaines : le devenir du nucléaire en France, la production et la consommation d’énergies fossiles et le développement des alternatives. Une majorité d’entre eux a répondu à l’ONG et pour ceux qui ne l’ont pas fait, leurs déclarations publiques ont été prises en compte. L’analyse de leurs réponses et/ou de leurs positions a donné lieu à un classement en 3 catégories : « rétrogrades », « attentistes », « engagés ». Toutefois ce classement est « évolutif », souligne l’ONG : « Cet outil évoluera en permanence et tiendra compte des changements des positions des uns ou des autres. Et d’ici le premier tour de l’élection présidentielle, espérons qu’une majorité de candidats soit enfin engagés ! » Pour l’heure, la question énergétique et notamment celle du nucléaire, sont loin d’être au cœur des débats politiques.
« Attentisme au PS »
« Du côté du parti socialiste, la plupart des candidats appartient au groupe des attentistes. Seule Martine Aubry fait une entrée timide dans le groupe des engagés. François Hollande, Ségolène Royal, et les autres candidats socialistes se refusent encore à faire un choix clair en faveur d’un autre modèle énergétique », observe Greenpeace.
Un attentisme qui ne pourra pas perdurer très longtemps, puisque la sortie du nucléaire est la condition fixée par EELV pour tout accord avec le PS avant 2012. « La sortie du nucléaire sera la condition absolue d’un accord avec d’autres formations politiques comme le Parti socialiste pour pouvoir envisager de gouverner ensemble », a ainsi annoncé Cécile Duflot, secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts. Or, sur ce point Martine Aubry apparaît plus proche des écologistes que ses rivaux à la primaire socialiste. La candidate a en effet pris publiquement position pour une « sortie, progressive, mais totale, du nucléaire » et a cité en exemple le choix du gouvernement allemand. François Hollande au contraire, s’est prononcé pour « une réduction de la part du nucléaire » en ajoutant que la sortie n’était « pas aujourd’hui la réponse ». Enfin Ségolène Royal propose de « sortir du nucléaire en 40 ans », alors qu’en 2007, elle avait évoqué un recul du nucléaire à 50 % de l’électricité d’ici à 2017.
Le programme du PS, censé faire consensus, reste laconique sur la question en proposant « de réduire la place du nucléaire de manière étalée dans le temps ». « Il est impossible de procéder autrement car vouloir aller trop rapidement impliquerait un recours accru aux énergies fossiles (gaz et charbon), ce qui augmenterait les émissions de gaz à effet de serre et serait contradictoire avec notre engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique », indique le document.
Pour le candidat du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon, « sortir du nucléaire est un impératif. Cela demandera du temps. Raison de plus pour ne pas retarder les décisions », a-t-il déclaré. Le candidat souhaite « organiser le débat et faire un référendum » sur la question, mais il reconnaît un profond désaccord avec ses alliés du parti communiste, partisans depuis toujours « d’un nucléaire sécurisé »… Curieusement Greenpeace le classe dans les « rétrogrades », ce qui vaut à l’ONG beaucoup d’incompréhension des internautes.
« Silence radio au centre »
Les candidats centristes François Bayrou et Jean-Louis Borloo n’ont pas répondu au questionnaire de Greenpeace, qui estime par ailleurs « rares » leurs prises de positions publiques sur le sujet et qui les classe dans la catégorie des « rétrogrades ». De fait, alors qu’il était encore ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo avait annoncé en 2009 une programmation pluriannuelle des investissements centrée sur les « Economies d’énergie, les énergies renouvelables et le maintien du parc nucléaire ».
S’agissant des candidats de droite, « les positions ne sont pas toutes alignées sur la ligne présidentielle (…).C’est le cas de Dominique de Villepin, plus proche des candidats socialistes que de Nicolas Sarkozy », observe Greenpeace. Nicolas Sarkozy « se place sans surprise parmi les rétrogrades, à l’image de la France dans le reste de l’Europe avec son obsession nucléaire... ». En juillet dernier, le gouvernement a lancé un exercice de prospective intitulé « Energies 2050 », pour envisager tous les scénarios énergétiques. Mais le ministre de l’Industrie Eric Besson s’est d’ores et déjà prononcé pour conserver 2/3 de nucléaire dans le mix énergétique national. La sortie du nucléaire « n’est ni la conviction ni le choix du gouvernement et du président de la République » a-t-il déclaré en ajoutant que « cette énergie apportait à la France une indépendance énergétique » et qu’elle limitait les émissions de gaz à effet de serre. « J’ai la certitude absolue » que les prix de l’électricité seraient supérieurs pour le consommateur français sans le nucléaire a indiqué le ministre avant de conclure : « Dire ’sortir du nucléaire’, ça ne veut rien dire. Ce qui est intéressant, c’est de savoir par quoi on le remplace, quelles conséquences pour la dépendance énergétique, combien ça coûte pour les entreprises et pour les consommateurs et avec quelles conséquences pour les gaz à effet de serre. »
Dominique de Villepin propose de son côté un « Grenelle de l’Energie » qui « permettrait de redéfinir le mix énergétique français à l’horizon 2030 notamment en fixant des objectifs ambitieux en termes d’énergies renouvelables de 50% de la production électrique, et de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité ». Le résultat de ce « Grenelle » serait sanctionné par un référendum sur la politique énergétique du pays, « pouvant inclure l’option d’une sortie du nucléaire ».
Un « manque d’engagements concrets »
Enfin, Greenpeace n’a pas (encore ?) intégré la candidate du Front national à son classement. Marine Le Pen a déclaré le 14 juin dernier que la sortie du nucléaire était « un objectif qu’il faut avoir à l’esprit parce que c’est une énergie extrêmement dangereuse ». « Cette sortie, qui serait positive et limiterait les dangers pour le monde, ne peut se faire que progressivement », a-t-elle ajouté en contradiction avec le programme de son parti. Celui-ci préconise en effet de « poursuivre l’effort sur l’énergie nucléaire : les filières de 3e et 4e générations seront programmées, la construction du surgénérateur sera relancée et les études sur le Thorium 232 (qui constitue une alternative à l’uranium) reprises. Parallèlement toutes les recherches permettant de transformer les produits de fission (déchets haute activité issus des anciennes et actuelles filières) en produits de période courte seront accélérées ».
A 8 mois de la présidentielle, Greenpeace dresse un premier constat : « Rares sont les candidats qui ont pris conscience de la possibilité, la nécessité et l’urgence d’orienter la France vers la transition énergétique. Hormis pour les éternels rétrogrades qui sont à leur place, c’est globalement le manque d’ambition et d’engagements concrets qui pénalisent la majorité des candidats. »
LE PROGRAMME EELV POUR 2012
Le projet des écologistes reste le plus proche des attentes de Greenpeace. EELV souhaite l’abandon progressif de l’utilisation des énergies fossiles, et l’arrêt du nucléaire civil en 20 ans. « Au plus tard en 2050, la production énergétique devra reposer à 100% sur les énergies renouvelables » peut-on lire dans ce programme. Cela implique (…) la prise de décision immédiate de sortie du nucléaire, en fermant tout de suite les centrales et les installations les plus dangereuses ainsi que les plus anciennes, et en n’en construisant pas de nouvelles (ce qui inclut l’arrêt des chantiers EPR).
En partenariat avec Novethic, le média expert du développement durable.
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