Au terme de deux semaines de négociation au Qatar, les négociateurs sont finalement parvenus à adopter un nouvel accord sur le climat, tard dans la nuit du samedi 8 décembre et avec un jour de retard sur le calendrier, comme il semble désormais être d’usage. L’objectif de cette conférence à Doha était double : progresser dans la mise en œuvre des accords précédemment obtenus, avec l’adoption d’une seconde période du protocole de Kyoto, et de nouveaux engagements financiers pour les pays en développement ; et mettre le processus de négociation sur la voie d’un accord juridiquement contraignant et ambitieux pour tous en 2015 pour 2020.
Dès avant le début de la négociation à Doha, il était d’ores et déjà quasiment acquis que le Protocole de Kyoto serait prolongé. L’annonce de l’Australie de s’engager pour une deuxième période avait en particulier permis de placer cette négociation sous de bons auspices. Mais l’adoption d’une seconde période d’engagement fut pourtant loin d’être une simple formalité. Le report des surplus d’Unité de Quantité Attribué (UQA)(1), et l’utilisation des mécanismes de flexibilité, furent au cœur des échanges, parfois très vifs, entre la Russie et les autres pays de l’ex bloc soviétique et les autres pays. Un compromis fût finalement trouvé avec le report limité et contraint de ces surplus de quotas. Compromis renforcé par l’engagement de la plupart des pays de ne pas avoir recours à l’achat de ces surplus pour atteindre leur objectif. L’intégrité environnementale du Protocole de Kyoto est donc respectée. Mais son ambition reste faible, et il couvrira pendant la seconde période d’engagement une plus faible proportion encore (15%) des émissions mondiales qu’au cours de la première, le Japon et le Canada ayant définitivement renoncé à en faire partie. L’essentiel était toutefois sans doute ailleurs : rappeler l’importance d’un régime juridiquement contraignant, et reposant sur un système de règles précises, dans la perspective de 2015. Et cet objectif est désormais atteint.
Seuls le Royaume-Uni et l’Allemagne ont fait des annonces chiffrées
Le contexte économique dans la plupart des pays développés n’était pas propice à des engagements ambitieux et chiffrés concernant l’aide financière au pays en développement. Les contraintes budgétaires en Europe ont en effet pesé lourdement sur la négociation. Et la traditionnelle réticence des Etats-Unis à prendre des engagements financiers pluriannuels en raisons de leur processus budgétaire parlementaire a fini de vider la négociation d’une bonne partie de sa substance. Seuls quelques pays, dont le Royaume Uni et l’Allemagne, ont fait des annonces chiffrées. Mais la méfiance et la suspicion qu’ont provoquées ces annonces ont aussi rappelé que d’importants progrès restent à faire pour assurer la comptabilisation, la notification et la vérification (MRV) des flux financiers. Les pays développés se sont engagés à maintenir, en moyenne, d’ici à 2015, le même niveau de contribution financière que pendant la période 2009 – 2012 : 30 milliards de dollars (23 milliards d’euros). Beaucoup reste donc à faire pour atteindre progressivement les 100 milliards de dollars par an (76 milliards d’euros), provenant des sources publiques et privées, et pour faire en sorte que le Fonds vert pour le Climat, établi à Durban, ne reste pas une coquille vide.Enfin, l’accord obtenu à Doha précise le processus de négociation devant conduire à la conclusion d’un accord en 2015 pour 2020. Au delà des querelles sémantiques qui avaient marqué la fin tendue des négociations à Durban l’an passé, les échanges à Doha ont permis de réaffirmer la volonté partagée de parvenir à un accord juridiquement contraignant pour tous en 2015, pour accroitre la confiance dans le sérieux des engagements, et donc augmenter le niveau global d’ambition. Le principe d’équité, et sa traduction juridique dans le cadre de la CCNUCC, les principes de responsabilités communes et différenciées et de capacités respectives, a été et restera au cœur des discussions, et fait encore l’objet d’interprétations largement divergentes entre pays développés et en développement. Les premiers insistent sur le caractère nécessairement évolutif de ces principes, pour tenir compte du rattrapage économique, et du rééquilibrage politique qu’il entraine, des pays émergents. Ceux ci insistent sur les profondes différences qui subsistent avec les pays développés, aussi bien en termes de responsabilités que de capacités. Ces deux positions ne sont pas irréconciliables. Mais pour être rapprochées, un changement de représentation, et donc de méthodologie, est nécessaire, pour que cette négociation ne soit plus vécue comme un partage de fardeau, mais qu’elle mette en valeur les gains de la coopération.
La France, hôte en 2015 ?
Ce sera là l’un des principaux défis à relever pour la France. La France s’est en effet déclarée officiellement pour accueillir à Paris la COP 21 en 2015, et sa candidature a été bien accueillie. De nombreux processus politiques et scientifiques sur l’environnement et le développement durable convergent vers 2015 : la publication du cinquième rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) s’étalera entre 2013 et 2014 ; les objectifs du développement durable, de même que l’accord sur le climat pour 2020, devront être adoptés en 2015 ; et le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, a annoncé qu’un sommet de chefs d’Etat précéderait ces deux échéances en 2014. Espérons que d’ici là, le développement durable sera revenu sur le devant de l’agenda politique, et que la COP21 à Paris viendra ponctuer une séquence gagnante.(1) L’unité de mesure qui fixe les niveaux d’émissions permis dans le cadre du Protocole de Kyoto
(2) L’Australie, l’UE, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège et la Suisse
(3) Un protocole, un autre instrument juridique, ou tout autre résultat avec une force juridique
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