Note aux lecteurs : avant de lire ce billet, visionnez la dernière publicité d’Aoste ci-dessous.
Un curry coloré de légumes d’hiver, un velouté potimarron–panais, du quinoa sauté aux petits légumes, un crumble poireaux-noisettes, des pâtes au pesto d’oseille maison, un risotto aux champignons, des falafels sauce tahin. C’est, en gros, cher Aoste, ce que j’ai pu manger ces derniers jours. Je fais l’impasse sur les entrées et les desserts, je ne voudrais pas trop te mettre l’eau à la bouche.
Eh oui, Aoste, je ne mange pas de viande et pourtant… Et pourtant, je ne mange pas que du céleri et de la salade à tous les repas. D’ailleurs, tu me croiras si tu veux, mais le céleri, je n’en raffole pas. Et même que moi non plus, personne ne m’a demandé si je voulais manger de la viande ou pas, j’ai choisi toute seule, comme une grande, de ne plus en manger. J’avais d’ailleurs à peu près l’âge du garçon perdu cheveux gras de ta pub.
Et non, Aoste, je ne suis pas hippie, je ne suis pas malade, je ne suis pas carencée, je ne suis pas triste, je ne suis pas chiante, je ne suis pas en manque. Et surtout, Aoste, ingurgiter le moindre bout de ton jambon ne me ferait pas pleurer. Pas de joie en tout cas.
Et pourtant, Aoste, c’est à cause de toi, à cause de publicités d’un autre âge comme la tienne, que je dois tous les jours m’expliquer, me justifier, et raconter le pourquoi du comment. A midi, le soir, au restaurant, quand je rencontre de nouvelles personnes. Et j’en ai un peu marre, figure-toi.
Alors Aoste, dis donc, on est en 2015, non ? Tu dois, j’imagine, avoir quelques moyens – financiers, humains – en termes de stratégie de communication ? Tu voudrais pas un peu innover pour tes pubs ? C’est assez triste, non, d’avoir besoin des végétariens pour vendre tes produits ? D’ailleurs, dis, finalement, tu fais assez peu de pubs pour dire que ton jambon, c’est pas du jambon d’Aoste, en Italie, mais d’Aoste, en Isère. Et toi qui parles d’authenticité, voire de résistance – j’ai failli m’étouffer avec mon quinoa – à tout bout de champ, tu veux pas nous faire des pubs pour nous dire d’où il vient, ton cochon ? A-t-il déjà vu la couleur du ciel ou seulement celle de son cageot ? Tu dis, dans ton communiqué de presse : « Notre propos dans cette dernière campagne de communication vise à mettre en avant la qualité incomparable et la supériorité du jambon. » C’est-à-dire ? Parce qu’en lisant cette passionnante interview publiée par Télérama, ou même cet article de Politis, j’ai plutôt l’impression qu’on s’y perd un peu, dans tes porcheries…
Allez, Aoste, j’arrête, je ne voudrais pas m’énerver. Je m’en vais préparer mon steak de tofu.
PS : mes collègues, parfaitement viandards, sont en train de pouffer en regardant ta pub. « Surtout pour du jambon Aoste, c’est quand même très loin d’être le meilleur », me soufflent-ils…
PPS : Devant les réactions très négatives à cette pub, Aoste s’est défendu sur les réseaux sociaux :
— Aoste Jambon Cru (@AosteJambonCru) 16 Janvier 2015
« Nous sommes désolés si celle-ci a heurté votre sensibilité. Cette publicité se veut décalée et joue la carte de l’humour. » : voilà le b.a.-ba vu et archi-vu (après la diffusion de pubs sexistes, notamment) de la com de crise, avec un peu de condescendance pour ceux qui ne gobent pas le message, accusés sans le dire de ne pas avoir d’humour. Et si, Aoste, tu essayais la com un rien plus transparente ?
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