A une inconnue succède, une presque inconnue… A la surprise de tous. « On ne comprend pas bien pourquoi Nicole Bricq s’en va. On a eu zéro explication. Est-ce lié à la Guyane ? On devait se revoir avec son équipe après Rio pour faire le bilan. On ne sait pas si ça sera maintenu », s’interroge perplexe Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. La surprise passée, c’est l’effet « chaises musicales » après la nomination de Delphine Batho qui a agacé les ONG. « Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Est-ce qu’elle avait envie de ce ministère ou simplement de quitter la Justice ? Si elle nous explique qu’elle est très convaincue, qu’elle a un projet, des envies, un enthousiasme sur les questions écologiques, très bien, poursuit Jean-François Julliard. Maintenant, si le ministère de l’Ecologie devient un bouche-trou pour les ministres qui n’ont pas de place… »
Car c’est loin des questions écologiques qu’évoluait jusqu’ici la députée des Deux-Sèvres, fraîchement réélue. Convertie aux idées de gauche par les « artistes engagés et [les] humoristes du début des années 80 », de Daniel Balavoine, en passant par Coluche ou Pierre Desproges, confiait-elle au Monde en mars dernier, elle apprend le militantisme au sein de la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL) puis de SOS Racisme, dont elle prend la vice-présidence en 1992. Mais c’est au travers des thématiques de justice et de sécurité qu’elle creuse son sillon politique. Entre 2004 et 2008, elle est d’ailleurs secrétaire nationale du PS en charge de la sécurité. Sa nomination au poste de ministre déléguée à la justice étonne peu. Mais l’environnement ? Certes, elle a bien goûté à la question à travers la défense du marais poitevin et se bat toujours pour que la région retrouve son label de Parc naturel régional perdu en 1997. Mais guère davantage. « J’entends qu’on dit qu’elle est jeune, qu’elle connaît peu l’environnement. J’ai l’impression de revivre la situation de 2007, quand Alain Juppé a été remplacé par Jean-Louis Borloo. On disait à l’époque que Borloo n’était même pas à l’UMP, qu’il n’avait pas tenu la route à Bercy, qu’il ne connaissait rien à l’écologie. Cela ne l’a pas empêché d’être un bon ministre, notamment parce qu’il était bien entouré », rappelle Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement.
La limite de son inflexibilité ? Le mur
« Le talent d’un bon ministre, c’est avant tout de gagner des arbitrages politiques, et de savoir résister à des lobbys. Il n’y a pas de profil idéal d’un ministre de l’Ecologie. Seulement la force de défendre les intérêts de son ministère et de s’imposer dans des négociations interministérielles », souligne Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement. Et la volonté, ce n’est pas ce qui semble manquer à la nouvelle ministre. « C’est une femme très décidée, ferme, qui ne s’en laisse pas conter. Certains diront même raide et froide. Mais ce n’est pas un défaut, c’est une qualité », explique François de Rugy qui l’a côtoyée, de loin, à l’Assemblée nationale pendant 5 ans. « La limite de son inflexibilité, c’est le mur, s’amuse même Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris. Mais elle n’ira pas dans le mur. C’est vrai qu’elle ne cède pas facilement. Mais c’est une immense qualité quand on est ministre ! »Cela fait longtemps que l’animal politique a appris à s’imposer. Simple bachelière – elle a entamé des études de droit qu’elle a abandonnées – elle n’a pas reçu, comme ses collègues, un réseau pour cadeau de fin d’études. Mais a dû tisser sa toile patiemment. « C’est une très bonne chose, estime Marie-Noëlle Liennemann. Il faut des gens un peu iconoclastes qui n’absorbent pas les notes qu’on leur donne comme paroles d’évangiles. Ceux qui ne viennent pas de grandes écoles ont une autre appréciation du réel, un regard plus critique, distancé ». « Je me réfère à d’anciens temps où Monory était garagiste, Bérégovoy, ouvrier. Moi je trouve ça plutôt bien. Elle a fait l’école du militantisme et de la conviction. Elle est montée à la force du poignet », souligne Sébastien Dugleux, vice-président du Conseil général des Deux-Sèvres.
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