Le soutien-gorge prévient-il vraiment le relâchement cutané ? Pas sûr à en croire une étude menée pendant une quinzaine d’années au CHU de Besançon par le professeur Jean-Denis Rouillon et relevée par France Info ce mercredi. Le professeur a mesuré les seins de 130 jeunes femmes au pied à coulisse et à la réglette. Pour lui, l’arrêt du soutien-gorge ne les fait pas tomber, mais se redresser. « Nos premiers résultats valident l’hypothèse que le soutien-gorge est un faux besoin. Médicalement, physiologiquement, anatomiquement, le sein ne tire pas bénéfice d’être privé de la pesanteur. Au contraire, les tissus de soutien ne vont pas se développer mais s’étioler. » |
Connaissez-vous regard plus impitoyable, plus impudique, plus évaluateur, que celui d’une femme sur une autre ?
Il y a quelques jours, j’étais chez des amis. Une invitée, la trentaine, entre. Elle ôte manteau et gilet. Elle porte un T-shirt ample qui dénude une de ses épaules. Pas de bretelle de soutien-gorge en vue, ni même de chair rougie par ce fin bout d’élastique censé maintenir fièrement la poitrine.
Car malgré des seins généreux, elle ne porte tout simplement pas de dessous. « Osé ! Carrément provoquant même », ai-je immédiatement pensé - un brin moralisatrice sur ce coup-là, j’en conviens. « De la jalousie », me direz-vous. Pas tout à fait.
Une norme sociale
C’est plutôt que cette demoiselle a envoyé valser cette norme sociale qui s’impose à la gent féminine et qui veut que, dès que les boutons de moustique se transforment en bourgeons, il faut porter un soutif.
D’ailleurs, les Françaises se plient tellement bien à cette pression qu’elles sont, en matière de lingerie, les plus dépensières d’Europe. Selon l’Institut français de la mode, elles ont déboursé en moyenne 97,4 euros en 2011 pour leurs dessous, contre 79 euros en moyenne en Europe. Ce sont les 15-24 ans qui sont les plus grandes consommatrices de ces petits bouts de tissu, avec un budget de 138 euros l’an dernier.
En faisant quelques recherches sur le Net pour dénicher ces chiffres, à Terra eco, on a frémi. Nombreuses sont les pages web qui font le lien entre port du soutien-gorge et apparition du cancer du sein. Un exemple récent : le blog du Bla bla bio L’arbre à patates a posté fin février un article intitulé « Porter un soutien gorge tue », reprenant un diaporama non sourcé – mais dont « Yves et Fernanda » seraient les auteurs, si l’on en croit leurs écrits .
Compression du sein + chaleur = cancer
D’après ces articles, qui reprennent à leur compte une thèse du couple d’anthropoloques américains Sydney Ross Singer et Soma Grismaijer (pour accéder à leur livre en français et lire leur bio, c’est ici), auteurs de « Dressed to kill : the link between breast cancer and bras » (« Le soutien-gorge et le cancer du sein. Une lingerie de séduction dangereuse ? », sorti en 1995), le soutien-gorge comprimerait la poitrine, nuisant en cela à la bonne circulation des flux et empêchant le drainage lymphatique, qui élimine les toxines. Ces dernières, qui finissent donc par s’accumuler dans les seins, seraient à l’origine de kystes et de tumeurs cancéreuses.
De plus, les poitrines lovées dans ce bout de tissu seraient plus chaudes que les seins « libres ». Or, les poitrines cancéreuses ou pré-cancéreuses sont elles aussi plus chaudes que celles qui sont en bonne santé. Le glissement soutien-gorge = cancer est donc vite fait. Mais faux.
Des thèses « fantaisistes »
Interrogé par Terra eco, l’Institut national du cancer, qui est l’agence sanitaire et scientifique de l’Etat français, relève qu’il n’existe « aucune étude, aucun discours scientifique étayé qui montre l’intérêt de se pencher sur le sujet ». A l’Institut Curie, qui mène des recherches cliniques et fondamentales dédiées à la lutte contre le cancer en association avec l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale ) et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), on nous a carrément remonté les bretelles : ces thèses sont « fantaisistes ». Une bonne nouvelle quand on sait que plus de neuf Françaises sur dix portent quotidiennement un soutien-gorge.
« Le seul risque que courent des femmes qui portent des soutiens-gorges c’est, pour celles qui en choisissent des trop petits pour un effet "push up", d’avoir les baleines qui leur rentrent dans le sein, créant des lésions bénignes mais absolument pas cancéreuses », précise Marc Espié, directeur du centre des maladies du sein de l’hôpital Saint-Louis, à Paris.
Pour le docteur Susan Love, auteure de livres sur le cancer du sein et directrice d’une Fondation de recherche sur le cancer du sein, en Californie, interrogée par la revue Scientific american, « le mythe du soutien-gorge vient de la frustration de ne pas savoir ce qui cause la maladie, associée à un désir que celle-ci vienne de l’extérieur, d’un élément qu’une femme pourrait contrôler. Vous trouvez désormais des gens moins désireux de penser à la pilule contraceptive, au traitement hormonal de substitution et aux médicaments pour la fertilité qu’aux pesticides, aux soutiens-gorges et aux déodorants. » Voilà qui rassure.
Au fait, pourquoi portons-nous des soutiens-gorges ?
Le soutif, c’est une question de confort avant tout, pour 42,7% des femmes interrogées par l’institut Kantar pour le Salon international de la lingerie qui s’est tenu à Paris fin janvier. D’après cette même étude, 42% des femmes portent de la lingerie pour séduire, alors même que 88% des hommes interrogés considèrent la lingerie comme étant essentielle dans la panoplie d’une séductrice.
Mais l’effet « push-up » pourrait, à la longue, se révéler contre-productif. En effet, les seins coincés pendant des années dans un soutif ont tendance à tomber davantage que ceux laissés libres de leurs mouvements. Pourquoi ? Parce que les ligaments de Cooper, qui assurent le maintien naturel du sein, s’atrophient quand ils ne sont plus sollicités. La poitrine perd en fermeté, s’affaisse et l’effet gant de toilette est garanti.
Les nénés à l’air se redressent !
Une thèse de médecine soutenue en 2003 à Besançon par Laëtitia Pierrot, ancienne handballeuse de haut niveau, et dirigée par Jean-Denis Rouillon, médecin-chercheur à l’université de Franche-Comté, a même montré que l’arrêt total du port du soutien-gorge, même pendant un entraînement sportif, chez 33 jeunes sportives était, dès six semaines, concluant : « réduction des vergetures, augmentation du diamètre du sein, diminution de la distance « épaule / mamelon. »
N’en concluez pas pour autant qu’il vous faut tout de suite adopter la topless attitude et jeter votre collection de soutiens-gorges pour retrouver vos précieux attributs de jeune femme.
Si vous souhaitez garder votre soutien-gorge coûte que coûte, il existe quelques conseils tout simples pour favoriser la tonicité des seins : éviter le surpoids comme l’effet « yoyo » des régimes, ne pas fumer et procéder à des auto-massages drainants. Et puis faites du sport, pour garder votre dos droit et réduire le déséquilibre de la poitrine.
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