“Prendre du plaisir à manger, c’est d’abord écouter ses sens, se mettre en éveil ! Et la viande pour découvrir c’est très sympa !”. C’est ainsi que le Centre d’information des Viandes – CIV en plus court – entend redorer l’image de la viande dans les écoles. Depuis le 22 février et jusqu’au 16 avril, cette association créée en 1987 à l’initiative des professionnels du bétail, des viandes et de l’élevage a lancé l’assaut sur les collèges et lycées de l’Hexagone. A ceux-là, des affiches façon tags, des brochures ou encore des jeux pour gagner appareils photos ou enceintes ipod sont proposés. Pour les cantines, l’association propose des recettes à base de viande. Objectif ? “Réapprendre aux jeunes les produits et le goût des viandes brutes”, détaille Louis Orenga, directeur du CIV. En clair, qu’il y a une vie au delà du steak haché enserré dans un burger.
Les associations végétariennes crient au scandale. “Aujourd’hui, il y a un problème de surconsommation de viande, souligne Brigitte Gothière, de L214, une association de protection animale. Alors que le CIV puisse aller dans les écoles pour inciter les enfants à manger de la viande !” “Ils parlent du plaisir gustatif de la viande mais oublient de mentionner le revers de la médaille. Les problèmes de pollution des eaux, de déforestation, d’effet de serre lié à l’élevage, à l’abattage et au transport des animaux mais aussi les problèmes de santé publique liés à la consommation de viande.” L’association a donc lancé une pétition contre l’intervention du CIV dans les écoles.
Pub ou pas pub ?
Car au delà du débat autour de la consommation carnée, c’est le principe même de la promotion dans le milieu scolaire qui fait grincer des dents. Là, les esprits en friche et les cœurs encore tendres offrent des cibles très alléchantes pour les marchands en tout genre. “Il est consternant que les portes des collèges et des lycées soient ouverts à de purs opérations mercantiles et publicitaires aux antipodes des réelles préoccupations de santé”, dénonce ainsi l’association végétarienne de France dans un communiqué.Le CIV lui se défend bec et ongles. “Il ne s’agit absolument pas d’une campagne de publicité, souligne Louis Orenga. Sa vocation n’est pas d’inciter les jeunes à manger plus de viande mais à les sensibiliser à la qualité. La quantité consommée dans les cantines est fixée par la diététiciennes de l’école. ” Et, souligne encore M. Orenga, “le CIV est une association à fonds publics soumis sur le plan nutritionnel au Programme National Nutrition Santé [1] et dans les écoles aux recommandations du Groupe d’Etude des Marchés Restauration Collective et Nutrition [2]”. Reste que pour l’association L214, le CIV n’en est pas moins “une association de producteurs destinée à améliorer l’image de la viande et des productions bovines.”
L’exception des partenariats
Mais à quel titre le CIV a-t-il le droit de faire passer ses messages dans les écoles ? “En principe l’école est sanctuarisée, explique Monique Dagnaud sociologue à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et auteure de “Enfants, Consommation et Publicité télévisée”. Mais les producteurs ont trouvé le moyen de pénétrer dans les écoles en jouant la carte des bonnes pratiques.” En fait si le démarchage publicitaire ou les encarts sur les plaquettes scolaires est banni, les entreprises peuvent librement tisser des partenariats avec les établissements.A condition que leurs kits ou outils aient “un réel intérêt pédagogique” et “s’inscrivent dans le cadre des programmes scolaires”, précise une circulaire parue en 2001 au Bulletin Officiel. Dans ce cas, l’entreprise gagne le droit de “faire apparaître discrètement sa marque sur les documents”. Au service de presse du ministère de l’Éducation on justifie clairement cette logique : “Pour les professeurs, c’est une manière d’appuyer leur cours, de travailler sur le côté pratique. Du côté des entreprises, ça permet de faire connaître les produits. Chez les enfants le bouche à oreille ça marche”. Une chose est sûre, au pays des publicitaires, l’école ne fait plus figure de sanctuaire.
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