Au gré des remaniements, les ministres changent et les intitulés des ministères évoluent. Depuis le 11 février dernier, Ségolène Royal n’est ainsi plus ministre de « l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie » mais de « l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, chargé des relations internationales sur le climat ». Créé en 1971, ce ministère a connu plusieurs intitulés. D’abord « ministère de l’Environnement et de la Protection de la nature », il est rapidement devenu ministère de « la Qualité de vie » dans le courant des années 1970. Dans les deux décennies suivantes, le voilà qui prend l’intitulé de « ministère de l’Environnement ». C’est n’est qu’en 2007 qu’il devient « ministère de l’Ecologie et du Développement durable ». Aujourd’hui, retour en arrière avec le come-back de l’« Environnement ». Pourquoi ? Un choix de communication pour une autre vision de la politique environnementale ? Réponses d’Emmanuel Marty, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nice Sophia Antipolis et auteur d’une étude sur la communication environnementale.
Terra eco : Sur le plan de la sémantique, utiliser le terme « environnement » ou celui d’« écologie », qu’est-ce que cela change ?
Emmanuel Marty : L’« écologie », dans son sens politique, inclut un positionnement et elle est, d’ailleurs, souvent portée par des militants. C’est un mouvement d’appréhension de l’environnement. A l’inverse, l’environnement, d’un point de vue sémantique, est beaucoup plus neutre. En choisissant ce terme, le gouvernement a évacué tout contenu politique de l’intitulé.
Qu’est-ce que cela implique sur le placement idéologique de la politique environnementale ?
Cela cristallise un peu plus la ligne de fracture avec l’écologie politique et le parti politique qui la porterait également. On ne peut pas faire de procès d’intention au ministère sur ses actes à venir, mais l’écologie politique, qui met souvent en question les modèles économiques, n’a plus le droit de cité. On peut ainsi parler d’une forme de dépolitisation de la question. C’est le sociologue Jean-Baptiste Comby (1) qui a montré que la question climatique était dépolitisée à travers le traitement médiatique. C’est la même déconnexion qui s’opère à travers ce nouvel intitulé. Cela implique, sur le plan idéologique, que la protection de la nature sera davantage abordée avec une vision gestionnaire au sein d’une économie de marché.
Que penser alors de la disparition du « développement durable » ?
Le développement durable était déjà, d’une certaine manière, un adjectif qui s’est trompé de substantif ! Et le terme était galvaudé. Les conseillers en communication ont parfaitement compris que ce terme n’était plus à afficher. Quand on pense « environnement » maintenant, on pense directement au climat, d’autant plus quand le terme « énergie » lui est accolé, comme c’est le cas dans l’intitulé complet du ministère. Cela va permettre de mettre en avant la lutte contre le changement climatique avec l’aide de l’énergie décarbonée, donc des énergies renouvelables mais surtout de l’énergie nucléaire. La France pourra donc la valoriser et essayer de la vendre à l’étranger. Le voyage de François Hollande en Inde, par exemple, a été surtout mentionné à travers la vente des Rafale, mais il s’y rendait également dans l’espoir de vendre du nucléaire.
La mer est également arrivée au ministère de l’Environnement…
Oui, cela signifie que le ministère va d’abord s’occuper de la question des énergies, de l’eau et des ressources halieutiques. Mais cela entraîne un mouvement de sectorisation : on déconnecte les thématiques les unes par rapport aux autres. Comme pour la dépolitisation, cela signifie que la protection de l’environnement ne sera pas traitée dans une appréhension globale mais bien à travers certains secteurs, en priorité. On ne peut pas énumérer tous les éléments dans le titre, mais c’est quand même un choix qui a été pensé. Les autres thématiques sont, sinon ignorées, mais au moins minorées.
Cette dépolitisation et cette sectorisation ne sont-elles pas contradictoires avec la COP21 qui s’est tenue il y a deux mois ?
Il y a au moins une certaine cohérence à faire porter la charge des relations internationales sur le climat par le ministère de l’Environnement plutôt que par les Affaires étrangères. Pour le reste, c’est vrai que ce n’est pas très bon signe. On met en avant le climat et l’énergie, au détriment d’autres champs.
(1) auteur de La question climatique : genèse et dépolitisation d’un problème public (Liber, 2015)
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