Rien à faire du changement climatique, les Américains ? Le vent est peut-être en train de tourner. Alors que les Etats-Unis viennent de traverser un hiver inhabituellement doux, que la sécheresse a frappé plusieurs Etats et que des pluies diluviennes ont causé des inondations majeures, le tout en moins d’un an, la réalité semble les avoir rattrapés. C’est en tout cas ce que suggère un sondage tout juste publié et commandé par les universités George Mason et Yale.
Si les scientifiques hésitent parfois à faire le lien entre événements météo majeurs et changement climatique, les Américains interrogés sautent le pas ! Jugez plutôt. A la question « le réchauffement climatique affecte-t-il le temps aux Etats-Unis ? », 69% répondent par l’affirmative, et seulement 30% par la négative. Quant à savoir s’ils pensent que le réchauffement climatique est la cause de l’inhabituelle douceur hivernale 2011-2012, 25% affirment être « fortement d’accord », 47% « un peu d’accord », et seulement 28% « un peu » ou « fortement » en désaccord. Le coupable de la vague de chaleur de l’été passé qui a assommé toute l’Amérique sous des températures records ? Le changement climatique pointe encore une large majorité. Et les sécheresses qui ont frappé le Texas et l’Oklahoma en 2011 ? Encore et toujours la même cause.
Chaleur, tornades, inondations, sécheresses… Tout y est passé
« Ce qui nous a particulièrement surpris, c’est que de nombreux Américains ont affirmé avoir été touchés par une météo extrême l’an passé, près de 35% d’entre eux. Il ne fait pas de doute que les Etats-Unis ont été frappés en 2011 par de très nombreuses catastrophes, presque dans toutes les régions. C’est très inhabituel. Chaleur, tornades, inondations, sécheresses… Tout y est passé », souligne Edward Maibach, chercheur au Centre de recherche sur la communication climatique, de l’université George Mason. C’est d’ailleurs la raison qui a poussé ce chercheur et ses collègues à commander cette étude. Frappés par la récurrence des événements extrêmes, les médias américains n’ont eu de cesse de questionner leur lien avec le changement climatique global. Savoir ce qu’en pensait le grand public est alors apparu incontournable.
Conséquence de l’intrusion du désordre climatique dans leur quotidien : les Américains ne le voient plus comme une lointaine menace, affectant quelques îles peu habitées perdues au milieu du Pacifique ou d’autres régions inhospitalières plantées aux confins de l’Himalaya ! « Les citoyens commencent seulement à comprendre que cela peut aussi les toucher, dans leur pays, eux, leur famille, leurs amis. Quand les choses se passent au plus près de chez nous, mentalement parlant, le lien est plus facile à faire », poursuit le spécialiste.
Les politiciens font la sourde oreille
Quid de l’impact que cette « révélation » pourrait avoir sur les politiques environnementales ? Républicains et démocrates oseront-ils s’emparer du sujet pour en faire un argument de campagne ? Ceux-ci auraient tout à gagner à adopter une politique pro-climat. « En terme d’électorat, des recherches ont montré que les démocrates pouvaient ainsi rallier les votes des indépendants en plus de leur électorat traditionnel. Les Républicains, quant à eux, perdraient certains de leurs électeurs habituels mais gagneraient les voix d’indépendants, et le résultat serait neutre. Mais les politiciens de ce pays ne sont pas à l’écoute des citoyens, qui réclament pourtant un engagement pro-climat », constate Edward Maibach.
En 2008, son équipe avait mené une étude qui montrait des citoyens désireux de voir leurs dirigeants s’emparer du problème du changement climatique. Un souhait toujours réel, même en ces temps de crise. Problème : à part exprimer leur mécontentement dans les sondages et enquêtes d’opinion, ces mêmes citoyens ne montent que très peu au créneau. Peu sont ceux qui contactent par exemple directement les leaders pour leur faire part de ces préoccupations. « Nous sommes une démocratie, et pourtant les gens oublient de se faire entendre. Je crois en la force de certaines organisations pour rappeler aux citoyens que leur voix et que leur vote comptent », conclut le scientifique.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions