Que s’est-il passé ?
Une importante fuite de gaz est survenue dimanche 25 mars sur la plate-forme offshore d’Elgin (60 000 barils d’équivalent pétrole par jour), située en mer du Nord, au large de l’Ecosse. Total, l’opérateur, n’a pas encore identifié clairement la cause de cette fuite. En revanche, l’entreprise l’a localisée. Elle proviendrait d’un puits de production provisoirement fermé, au niveau de la tête de puits c’est-à-dire la partie aérienne de la plateforme. « Nous pensons qu’il y a eu un incident qui a provoqué une surpression à l’intérieur du puits », explique Manoelle Lepoutre, en charge du développement durable chez Total. L’entreprise a ordonné l’évacuation de plus de 300 personnes et la mise en place d’une zone d’exclusion maritime. Deux autres installations voisines appartenant à Shell ont aussi été évacuées.
Quelle est la portée de l’accident ?
La plateforme est l’une des plus importantes de la zone. Avec une production de 60 000 barils équivalent pétrole par jour, elle représente 2,6% de la production totale de la compagnie (2,3 millions de barils par jour). Cette plateforme était considéré comme le « laboratoire de Total ». Le forage est en effet effectué dans des conditions extrêmes de températures et de pression. L’entreprise a reconnu qu’il s’agissait du plus gros incident pour le groupe en mer du Nord depuis au moins dix ans.
Y-a-t-il un risque d’explosion ?
C’est l’hypothèse la plus redoutée par Total. « Pour l’instant, la bonne nouvelle est qu’il n’y a pas eu d’explosion. L’opérateur Total a coupé l’alimentation électrique du site, ce qui limite les risque d’explosions liés à l’électricité présente dans l’air », avance Francis Perrin, directeur de la rédaction du bimensuel Pétrole et Gaz arabes.
Reste la torchère, encore allumée au dessus de la plateforme. Indispensable à l’élimination du gaz et donc à la sécurité du site en temps normal, elle risque d’inflamer le gaz en suspension. Le pétrolier évoque aujourd’hui des vents peu intenses et soufflant dans la bonne direction pour éviter une telle rencontre. Mais « compter là dessus paraît risqué, souligne Simon Boxall, océanographe à l’université de Southampton. « La torche reste un point d’inquiétude. Nous espérons qu’elle s’éteindra toute seule quand le gaz aura fini de s’évacuer. Nous réfléchissons aussi à des moyens de l’éteindre », complète Manoelle Lepoutre. Et tout incident serait forcément très destructeur, tant le gaz du site est sous haute pression. « Le risque d’explosion ne pourra être entièrement écarté que lorsque la fuite sera bouchée », assure d’ailleurs Francis Perrin.
Quel est le risque environnemental ?
Pour le moment, Total est confiant. « Les premières indications montrent qu’il n’y pas d’impact significatif sur l’environnement », précise le pétrolier dans son communiqué. Certes, les photos d’oiseaux mazoutés ne sont pas à prévoir. Mais quel est le risque réel pour la faune et la flore d’un accident comme celui-ci ? En fait tout dépend de la nature et du lieu de l’échappement.
Le gaz exploité sur la plate-forme « est un mélange très toxique de méthane, de sulfure d’hydrogène à 40 ppm (particules par million, ndlr) [1] et de CO2 en petite quantité. Croyez moi, ce n’est pas un nuage dans lequel vous aimeriez vous trouvez prisonnier », précise Simon Boxall, océanographe à l’université de Southampton. Reste à savoir d’où il s’échappe ? Pour Total, la fuite ne viendrait pas du réservoir mais de la tête de puits. « A notre connaissance aujourd’hui, il n’y a pas de fuite de gaz dans l’eau », souligne Manoelle Lepoutre. De quoi contredire les premiers témoignages d’observateurs qui rapportaient le spectacle d’une eau en ébullition. Mais si le gaz se propageait bel et bien dans l’eau, « le problème c’est essentiellement le sulfure d’hydrogène. C’est un gaz très toxique qui peut tuer en grande quantité notamment les poissons », explique Simon Boxall.
Reste la « présence d’irisations à proximité de la plateforme » repérées par un avion de surveillance et qui seraient formées de « boues de forage et/ou de produits légers associés au gaz représentant un volume actuellement estimé à environ 30 mètres cubes ». En fait, il s’agit du condensat, un mélange d’hydrocarbures légers recueilli en même temps que le gaz lors du forage. Avec la pression, celui-ci forme des gouttelettes qui retombent dans la mer. « Ca n’a rien à voir avec des nappes d’hydrocarbures. Ces gouttelettes s’évaporent vite et le reste se dissout. Mais on suit malgré tout cela avec beaucoup d’attention grâce à des images satellites, la modélisation des mouvements d’irisation, des vues d’avion », précise Manoelle Lepoutre. Total conclue donc dans un communiqué que « l’utilisation de dispersants n’est pas nécessaire à ce stade ». Reste que pour Simon Boxall, « les dégâts sur l’environnement ne sauront connus que dans une semaine ou plus, quand on aura fait des mesures pour évaluer le niveau des polluants dans l’eau ».
Quand et comment peut-on colmater la fuite ?
L’entreprise cherche encore le meilleur moyen de résoudre l’incident. Trois options sont évoquées par Total. Dans la première hypothèse, la plus optimiste, la fuite s’arrêterait toute seule. Dans la seconde, il faudrait envisager une intervention des équipes sur la tête de puits, à condition que le risque d’explosion soit limité. Enfin, l’entreprise envisage de créer un puits de secours pour réduire la pression du puits principal, mais reconnaît qu’une telle opération pourrait prendre six mois. « C’est la meilleure solution pour ‘tuer’ un puits », détaille Francis Perrin. « Mais cette opération est extrêmement complexe il faut viser très juste pour réussir à dévier le puits principal. Par ailleurs, il s’agit là de gaz sous haute pression, ce qui est plus dur à manipuler que du pétrole comme ce fut le cas pour Deepwater Horizon, par exemple. »
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