On l’appelle déjà le 51e État des Etats-Unis. Il n’a pas encore relié le continent américain, mais diverses projections estiment qu’il devrait arriver sur la côte ouest à la fin de l’année. Cette énorme masse flottante qui, depuis les airs, ressemble à un amas de rouille, est constituée d’une quantité phénoménale de débris dus au tsunami qui a frappé le Japon en mars 2011.
La vague surpuissante, provoquée par un séisme au large de Fukushima, a pénétré à 10 km à l’intérieur des terres et a tout balayé sur une surface de 560 km2. Sur les 5 millions de tonnes de débris arrachés de la surface de la terre, on estime que près des trois-quarts ont coulé. Reste 1,5 million de tonnes de déchets flottant dans l’océan Pacifique. Si les scientifiques polémiquent sur l’aspect de ce continent de vestiges (certains estiment qu’ils forment une énorme masse compacte de 700 000 km2 – soit autant que la France –, d’autres qu’il s’agit d’une multitude de petites îles à la dérive), tous s’accordent sur la menace qu’il représente pour la biodiversité marine américaine.
En effet, sur certains des nombreux débris qui ont déjà fait la traversée – comme une Harley Davidson débarquée sur une île canadienne, ou deux énormes morceaux de quais du port de Misawa arrivés l’un en Oregon l’autre dans l’Etat de Washington courant 2012 – on a dénombré quantité de passagers clandestins : oursins, étoiles de mer, anémones, crabes, moules, huîtres, palourdes, algues, etc. Au total, ce sont plus de 90 organismes marins, dont bon nombre sont spécifiques aux eaux japonaises, qui ont recouvert les parois de ces débris.
Certains font partie des espèces invasives, et trois inquiètent plus particulièrement les chercheurs américains : la moule bleue, l’algue brune connue sous le nom de wakamé, et l’étoile de mer Asterias amurensis, à l’appétit d’ogre. Les deux dernières figurent sur la liste des cent espèces exotiques envahissantes parmi les plus néfastes au monde, établie en 2000 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (pdf). L’introduction de ce type d’espèces dans un écosystème est considéré comme une cause majeure de régression de la biodiversité.
Voilà pourquoi l’Etat de l’Oregon n’a voulu prendre aucun risque : les petits passagers du quai – dont le poids s’élevait tout de même à deux tonnes – ont été arrachés, brûlés ou enfouis dans la terre. Mais qu’adviendra-t-il quand le 51e Etat abordera la côte ouest, probablement par vagues, se déversant sur plusieurs milliers de kilomètres et dans des endroits parfois isolés ? Pour limiter les risques, la NOAA (administration américaine de protection des océans) a lancé un appel à la population américaine afin qu’elle prévienne les autorités dès qu’elle trouve un objet rejeté par les flots.
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