Après Ma vérite sur la planète en 2007, un essai sur l’avenir des sciences en bonne partie imprégné d’environnement en 2009 [1], Claude Allègre revient avec un titre choc : L’imposture climatique ou la fausse écologie. Y-a-t-il du nouveau sur le soleil ou le plus célèbre des climato-sceptiques français se contente-t-il de décongeler ses vieilles marottes ?
Petite mise à jour
Ma vérité sur la planète était surtout centré sur Al Gore et son film Une vérité qui dérange, sorti en 2006, ainsi que Nicolas Hulot et son pacte écologique lancé pendant la présidentielle 2007. Depuis, il s’est passé pas mal de choses… Grenelle de l’environnement, « paquet climat » de l’UE, taxe carbone et bien sûr le sommet de Copenhague. L’entretien est donc l’occasion pour l’interviewé de réagir à ces événements.Le chercheur semble lire assidûment la presse et rebondit sur quelques thèmes dans l’air du temps : "il ne faudrait plus manger de bœuf parce que c’est mauvais pour… le climat. Trop c’est trop !" ou encore "[Yves Cochet] dit qu’il faut limiter les naissances à un enfant !".Et quand il n’est pas le nez dans les journaux, il jette un œil à la fenêtre : "depuis trois hivers, tout le monde patauge dans la neige, le froid" [2], s’étonne-t-il.
Le polar de la "mafia" du GIEC
Il a d’ailleurs parfaitement saisi que le GIEC est sous le feu des critiques. "Je crois que tout est en train de s’ouvrir et va bientôt se retourner", se félicite-t-il. L’institution, qui en avait déjà pris pour son grade dans ses deux précédents livres, a donc droit à une triple ration. Car en trois ans le chercheur a eu le temps de peaufiner son enquête, au point de raconter un "véritable roman policier", comme s’exclame à un moment la journaliste. Il remonte jusqu’à la jeunesse d’Al Gore dans les années 60, convoque Margaret Thatcher, elle même convertie au "global warming" par John Hougthon, l’un des patrons du premier GIEC et partisan de l’"alarmisme" etc. Un qualificatif qui s’applique à de nombreux acteurs qu’il évoque au fil des époques. Pour la période récente c’est le climatologue Jean Jouzel qui remplace le Nicolas Hulot de 2007 dans le rôle de cible de choix.Bien entendu, le Climate Gate de la fin 2009, c’est-à-dire les mails piratés de l’Hadley Center fournissent de précieux outils pour valider son scénario en dévoilant "le système mafieux que l’on suspectait". Il décrit des concertations pour "contrôler" les relecteurs des revues scientifiques ou des "cabales" organisées pour pousser à la démission ceux qui ne cédaient pas. [3]
Claude Allègre en boucle
Passons. Pour le reste, comme pour la dénonciation des vicissitudes du GIEC, Allègre donne du corps à sa thèse, précise, digresse, mais reste fidèle aux fondamentaux : le climat c’est tellement compliqué qu’on ne peut pas le comprendre. Le fameux effet papillon, qui résume la théorie du chaos.Au point de bégayer, en citant cette déclaration de Laplace à Napoléon : "« Donnez-moi le comportement passé d’un système et je vous prédirais son avenir. Sire ! » Eh bien pour les systèmes chaotiques, l’affirmation de Laplace est fausse". Ouvrez La Science est le défi du XXIe siècle et le Dictionnaire amoureux des Sciences (2005), vous la retrouverez in extenso. Une coïncidence ? Pas tellement, car le spécialiste des sciences de la terre puise souvent à la même source.
On connaît en vrac les classiques sur le Kilimandjaro, "Madame Soleil", les "ayatollahs", le totalitarisme, les références aux grands ignorés Galilée, Darwin et Wegener... On retrouve encore des aspects plus salutaires comme l’accent mis sur les autres urgences que sont l’eau et la démographie, la nécessité d’une économie du recyclage, la demande de développer l’isolation, le photovoltaïque, la géothermie. Et à nouveau des solutions plus discutées comme le nucléaire de quatrième génération, la capture et le stockage du carbone, les OGM... Mais à y regarder de plus près, de nombreux passages sont même repris quasiment mot pour mot. L’argumentation n’a pas tellement évolué.
Quelques exemples de bégaiement manifeste :
Le GIEC
2007 : "A cela s’ajoute bien sûr l’attitude d’une petite communauté scientifique dont certains membres se sont intronisés comme les prêtres de l’éco-fondamentalisme. Ils jouent l’alarmisme et le catastrophisme (..). De plus, ils contrôlent une partie des publications scientifiques où ils éliminent systématiquement les opposants. Ils attaquent ensuite et dénigrent ceux qui ne pensent pas comme eux." (Ma vérité sur la planète, Plon/Fayard)
2009 : "Arrêtons la technocratie onusienne validée par l’ambition de quelques scientifiques dévoyés ! Aujourd’hui, il est interdit de contester la vérité du GIEC sur le climat sous peine d’excommunication, de voir ses crédits de recherche coupés, ses publications censurées." (La science est le défi du XXIe siècle, Plon)
2010 : "[la communication du GIEC] est malhonnête parce qu’elle cherche à faire peur (…) et le tout sans laisser la parole aux scientifiques qui ne pensaient pas comme eux, en leur coupant les crédits, en les empêchant de publier leurs idées, en les empêchant d’avoir accès aux données, puis en les calomniant." (L’imposture climatique ou la fausse écologie, Plon)
Les écologistes :
2005 : "Pour ce faire, il fallait une base théorique : ce fut le fameux « principe de précaution » et son codicille, le « risque zéro » (…) Armés de ce principe, les écologistes s’opposent aux recherches sur les OGM ou les cellules souches, et ils s’en prennent aujourd’hui aux nanotechnologies. C’est ainsi que l’écologie est devenue antiscience, antiprogrès !" (Dictionnaire amoureux de la science, Plon/Fayard)
2009 : "Aujourd’hui les écologistes répandent la peur, pour viser le risque zéro, symbolisé par le fameux principe de précaution. Au-délà, il y a bien sûr en filigrane la croyance religieuse selon laquelle l’homme est mauvais : il a commis le péché originel, il ne peut contrôler ses mauvais instincts. L‘écologie est le refus du progrès. La science est, dans cette démarche, un obstacle si elle permet le progrès." (La science est le défi du XXIe siècle, Plon)
2010 : "Une rétro-société antiprogrès. Le progrès, c’est une mauvaise pulsion de l’Homme. Le salut, c’est le retour au primat de la Nature. (...) le péché originel se combine avec une poussée millénariste. (…) L’idée que l’homme maltraite la planète et qu’il est donc coupable. (...) L’intégrisme vert est hostile au progrès, à la technique et donc à la science qui l’alimente." (L’imposture climatique ou la fausse écologie, Plon)
L’élévation du niveau des mers :
2005 : "On a mesuré l’augmentation du niveau de la mer : depuis quinze ans, elle est de 2,5 millimètres par an. En dix ans, 2,5 centimètres ; en cent ans, 25 centimètres. Il n’y a pas de quoi noyer la Hollande !" (Dictionnaire amoureux de la science, Plon/Fayard)
2010 : "Les spécialistes (...) assurent aujourd’hui que le niveau de la mer augmente de 2 à 3 mm par an. Cela fait 20 à 30 centimètres par siècle. Pas de quoi engloutir Manhattan ou la Hollande." (L’imposture climatique ou la fausse écologie, Plon)
La stratégie des pays occidentaux
2009 : "L’Europe et la France sont en train de prendre des mesures restrictives sur les émissions de carbone (...) L’argument fourni par les tenants de cette politique est que nous devons donner l’exemple et que, peu à peu, nous convaincrons les Asiatiques de nous imiter. Sommes-nous toujours un exemple pour les Asiatiques ?" (La science est le défi du XXIe siècle, Plon/Fayard)
2010 : "Nous nous imposons taxes et contraintes pour "donner l’exemple" au tiers-monde. Nous n’avons pas compris que nous ne sommes "plus" l’exemple." (L’imposture climatique ou la fausse écologie, Plon)
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