Partir en week-end, confier les clés de son logis à des touristes, arrondir ses fins de mois et… sauver la planète. Six ans après sa création, Airbnb a ajouté une vertu à sa formule gagnante. La plateforme mondiale d’hébergement chez l’habitant, qui affronte en ce moment une virulente campagne d’élus et d’hôteliers l’accusant de faire grimper les prix et de créer des villes musées, préfère se présenter comme « le nouveau modèle d’un tourisme durable ». Dans une étude publiée en juillet – uniquement en anglais –, elle en fait la démonstration à grand renfort de comparaisons. En Europe, le recours à Airbnb plutôt qu’à l’hôtellerie aurait permis d’éviter l’équivalent des émissions de 200 000 voitures, tout en économisant l’énergie de 68 000 logements et l’eau de 1 100 piscines olympiques.
Minibar et minishampoings
« Voyager chez l’habitant, c’est comme aller dormir chez un copain, l’impact sur l’environnement est anodin », confirme Guillaume Cromer, président de l’association Acteurs du tourisme durable. Oubliez le changement quotidien des draps et des serviettes de bains, le minibar, les minishampoings, miniconfitures et leurs suremballages, chers aux hôtels conventionnels. « On constate aussi un effet psychologique : quand on n’est pas à l’hôtel, on est moins tenté de faire couler un bain », poursuit Guillaume Cromer. A plus grande échelle, l’essor du logement chez l’habitant peut freiner la construction de nouveaux bâtiments, responsable à elle seule de 68 % des déchets de l’hôtellerie, selon une étude du groupe Accor. Au jeu des comparaisons, Airbnb ne pouvait que sortir gagnant. La start-up valorisée 10 milliards de dollars (7,8 milliards d’euros) a donc confié à Cleantech, le conseiller développement durable de Shell, de General Motors ou d’EDF, le soin de les établir. Discrets sur leur méthodologie, les auteurs de l’étude assurent « avoir mis la barre haute, en retenant des hôtels parmi les plus durables », à savoir les établissements Marriott et Hilton. En matière d’eau, d’énergie, de déchets, tous deux présentent en effet de très bons bilans… dans leur gamme – celle des quatre et cinq étoiles. La différence de standing avec une chambre Airbnb rend la comparaison bancale.
Qu’importe, Airbnb décroche ainsi ses lauriers sans trop se démener. « D’un point de vue marketing, cette étude est très rusée, estime Guillaume Cromer. Elle consiste à tirer parti d’un état de fait. » Car, sur le plan de l’environnement, Airbnb est peu innovant. Interrogé sur les dernières initiatives en la matière, son service presse français avoue, embarrassé, ne rien avoir à communiquer. Sur son site, l’onglet « Hébergement responsable » renvoie à la sécurité et au respect des voisins. Point. Pourtant, des leviers existent. La plateforme d’avis Tripadvisor propose ainsi aux voyageurs un filtre de recherche pour ne mettre les pieds que chez des hébergeurs engagés.
Airbnb attire les convertis
A la Clef verte, une association qui labélise les hébergements touristiques responsables, Pétra Snaj, chargée de mission, n’a longtemps juré que par le logement chez l’habitant. Aujourd’hui, elle n’en fait plus l’alpha et l’oméga de la transition écologique du secteur. « Ce mode de voyage est certes plus sobre et moins polluant, mais il n’y a pas d’effet d’entraînement, constate- t-elle. A l’inverse, lorsqu’un hôtel s’engage à réduire sa consommation d’énergie et à remplacer ses produits d’entretien, il interpelle les clients, change les habitudes du personnel et exerce une pression sur les fournisseurs. »Airbnb, lui, ne sensibilise pas : il attire des convertis. Selon l’étude de Cleantech, 89 % des hôtes ont en place des dispositifs de tri sélectif et 79 % ont investi dans des appareils économes en énergie. Mais l’impact d’un séjour ne se joue pas là. L’Organisation mondiale du tourisme estime que l’hébergement ne produit que 20 % des émissions de CO2 liées à l’activité ; le transport, 75 %. « La vraie question pour les voyageurs, c’est : “ Faut-il prendre l’avion pour trois jours ? ” », rappelle Guillaume Cromer. Or, combien de séjours Airbnb commencent par un vol low cost ? L’étude n’a pas jugé bon de se poser la question. —
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