La fin du mois de novembre est difficile pour l’agriculture paysanne. Le 28 novembre dernier, le Conseil d’Etat a annulé le moratoire français sur le maïs OGM MON 810 de Monsanto, faisant fi de la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne interdisant la vente de tout miel contenant le pollen de ce maïs insecticide. Dès le lendemain, le Parlement français a définitivement approuvé la loi sur les Certificats d’obtention végétale (COV), laissant ainsi libre cours à l’extension permanente du droit de propriété des semences, et remettant en cause le droit inaliénable des paysans de ressemer leur récolte d’une année sur l’autre.
La majorité des 30 député(e)s présents dans la nuit a en effet permis au ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Pêche d’organiser par décret l’interdiction faite aux paysans d’utiliser les semences issues de leur récolte. Ils imposent également la taxation de tous les hectares cultivés en céréales et fourrages au bénéfice de l’industrie et des vendeurs de semences.
Avec cette loi, le principe élémentaire de droit général est bafoué. Ce sera à l’agriculteur d’apporter lui-même la preuve qu’il n’a pas utilisé de variétés protégées. Ceci ne c’était plus vu depuis l’Ancien Régime !
Agriculture uniformisée
Cette décision prend effet au moment même où l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) adopte un nouveau cadre mondial pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité génétique des plantes. Ce plan, publié le 30 novembre 2011, se décline en 18 activités prioritaires (recenser, inventorier, conserver, promouvoir…). La FAO exhorte par ailleurs « tous les pays à mieux gérer la diversité des cultures dans les champs et à élaborer des stratégies visant à protéger, à collecter et à conserver les espèces sauvages apparentées et les plantes comestibles sauvages qui sont menacées ». Une certitude : la loi sur les Certificats d’obtention végétale n’assurera pas la promotion et la conservation de notre biodiversité.En effet, la réglementation adoptée le 29 novembre 2011 par l’Assemblée Nationale pose un problème majeur : celui de ne prendre en compte qu’une façon de faire et de penser, réduisant ainsi l’avenir de notre agriculture à une uniformisation de sa richesse et de sa biodiversité. Cette nouvelle règlementation interdit définitivement la commercialisation de variétés traditionnelles, alors même que la récente loi Grenelle demandait au ministre de l’Agriculture de permettre leur commercialisation.
Marchandisation du monde du vivant
Cette loi sur les COV privilégie la seule agriculture productiviste et entrave ainsi les pratiques caractéristiques d’une agriculture respectueuse de l’environnement. Elle accentuera le mouvement de marchandisation du monde du vivant. Cette loi fortement critiquée par les agriculteurs remet en cause l’acte fondateur de ressemer et porte des risques réels en matière de préservation de la biodiversité et de souveraineté alimentaire. On peut légitimement s’inquiéter de la concomitance des deux décisions en l’espace de quelques jours sur l’avenir de notre agriculture.Quelles vont être les incidences de ces décisions sur la vie des paysans ? Comment pourrons-nous généraliser une agriculture biologique source d’emplois et de savoir-faire avec de telles restrictions ? Devrons-nous aussi voir s’effilocher sous nos yeux le protocole de Nagoya sans poser la question de l’utilisation des ressources génétiques et de la brevetabilité du vivant ?
Que notre réflexion s’inspire des propos du fertile Pierre Rabhi :« La Terre... Combien sommes-nous à comprendre cette glèbe silencieuse que nous foulons toute notre vie ? Pourtant, c’est elle qui nous nourrit, elle à qui nous devons la vie et devrons irrévocablement la survie. »
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