Lundi 18 juin. Dans le Rio Center, ça discute ferme autour du thème de l’eau : tandis que des personnalités du monde économique, politique et de la société civile échangent leurs visions au détour d’une conférence, les citoyens présents sont appelés à voter sur une série de 10 recommandations qui devraient être remises dans quelques jours aux dirigeants. Parmi celles-ci, deux recommandations soutiennent le droit humain à l’eau et à l’assainissement.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La référence à la résolution onusienne 64/292 du 28 Juillet 2010, qui consacrait pour la première fois l’accès à l’eau et à l’assainissement comme un « droit humain », vient d’être supprimée du document sur lequel les délégations du monde entier planchent jour et nuit. Au grand dam des ONG qui la défendent.
Sur la scène de la conférence, les visions se croisent et s’affrontent. Muhammad Yunus, fondateur bangladais de la banque Grameen et Prix Nobel de la paix, prend la parole. Il défend non seulement le droit humain à l’eau mais également l’interdiction pour les entreprises de faire du profit sur toutes les questions relatives à l’eau. A ses côté, Jeff Seabright, vice-président de Coca-Cola pour les questions d’environnement, ne bronche pas.
Tandis qu’en coulisse les deux lobbys, celui du privé et celui des ONG, se disputent les ficelles. D’un côté, 45 chefs d’entreprises du monde entier demandent qu’on les laisse investir dans les infrastructures et la gestion de l’eau, « pour aider à résoudre la crise globale de l’eau ». De l’autre, les petites mains des ONG contactent chaque délégation pour tenter de les convaincre de refuser un texte dénué d’une référence claire au « droit humain à l’eau ». Résultat le 22 juin. Le texte final dira qui, de la société civile ou des entreprises, a remporté le match de l’eau à Rio.
« Nous allons défendre le droit à l’eau jusqu’à la fin de Rio+20 »
Nathalie Seguin est directrice du réseau Fan Mexique (Réseau d’action pour l’eau) qui regroupe une dizaine d’associations locales spécialisées dans les questions d’eau et d’assainissement. FAN est un réseau global d’expériences locales, présent sur les cinq continents.
Terra eco : Pourquoi êtes-vous venue à Rio + 20 ?
Nathalie Seguin : C’est d’abord un des sommets les plus importants sur le développement durable et il est crucial que la société civile soit présente quand il n’y a pas de consensus lors des réunions préparatoires. Ce sommet devait faire un état des lieux des trois Conventions de 1992 (contre la désertification, sur la biodiversité et contre le changement climatique, ndlr) et les renforcer. Or, ce sommet n’a rien réalisé de cet agenda et se retrouve centré sur l’économie verte et le marché. Il est donc encore plus capital que la société civile, qui défend d’autres idées, se fasse entendre.Que défendez-vous précisément ?
Dans le « Draft O » (le premier document de travail, ndlr), il existait cinq paragraphes sur l’eau et l’assainissement, dont la résolution des Nations unies votée en 2010. Or, nous découvrons aujourd’hui, et parce que certains de nos membres ont accès aux négociations, que le Brésil a accepté de retirer cette référence sous la pression des Etats-Unis et du Canada. Nous allons donc devoir défendre ce droit jusqu’à la fin du Sommet. Quand la société civile du monde entier est présente, cela permet de contacter les délégations de chaque pays et de faire un vrai lobbying.Est-ce important d’être aussi au Sommet des peuples, le sommet alternatif organisé par les ONG et les mouvements sociaux ?
Oui, pour créer des alliances avec les autres mouvements sociaux et pour échanger sur ce qui marche ou pas dans la mobilisation. Mais ce n’est pas l’espace où nous pouvons obtenir une avancée dans les accords internationaux. Nous sommes un réseau qui travaille au niveau global à partir d’expériences locales. Les deux niveaux sont d’une grande importance.A lire aussi sur Rio+20 :
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