Sans avis préalable, les bulldozers et les agents de la mairie de Rio sont venus à la fin de l’année 2010 pour démolir les maisons et les commerces de 153 familles qui vivaient dans la communauté Restinga. Francisca de Pinho Melo a tout perdu :
« J’ai vu une machine détruire le portail. J’ai essayé d’entrer par devant et un type qui travaillait là avec eux m’en a empêchée. Je me suis tout de suite accrochée à la chaîne, pensant qu’ils viendraient me chercher pour discuter avec moi et les autres habitants. Mais ma sœur et ma fille criaient, me demandant de sortir. Je suis rentrée chez moi, j’ai pris un sac de documents et je suis allée chez un de mes frères. Je suis restée en état de choc, sans m’arrêter de pleurer. Pourquoi font-ils ça ? Pourquoi prennent-ils le toit de tant de gens dans le besoin ? »
L’histoire de Francisca a été filmée par l’équipe de l’agence brésilienne Pública et publiée via un webdocumentaire. C’est le deuxième de la série « Des séquelles pour nous », réalisée par l’organisation de défense des droits de l’homme Witness en partenariat avec Rio Copa e Olimpíadas (le Comité populaire Rio, Coupe du monde et Jeux olympiques). On y voit les agents de la mairie de Rio et les rouleaux compresseurs arriver sans préavis pour détruire les habitations et les commerces de 153 familles de la communauté Restinga, dans l’ouest de Rio de Janeiro. Les expulsions ont été décidées pour céder la place aux travaux d’élargissement de l’Avenida das Américas, dans le quartier de Recreio dos Bandeirantes, nécessaires à la réalisation du système de bus en site propre.
Jusqu’à présent, les montants des indemnisations reçues par les habitants sont négligeables et les commerçants n’ont reçu aucun dédommagement, malgré le décret Municipal 20.454 de 2001 qui précise que, dans le cas d’une expulsion d’un établissement commercial « sera offert un nouveau local commercial, une indemnisation ou l’achat d’un autre bien soumis aux mêmes critères définis pour les bâtiments d’usage résidentiel, prévus dans les projets du Service municipal pour le logement [SMH] ».
D’après le documentaire, 8 000 personnes ont déjà perdu leurs maisons à Rio de Janeiro depuis le début des préparatifs et le dossier du Comité populaire Rio da Copa e Olimpíadas établit qu’environ 30 000 personnes subiront des expulsions à cause de la Coupe du monde en 2014 et des Jeux olympiques en 2016.
La fin de la menuiserie, le gagne-pain de la famille
Dans la vidéo, Francisca raconte qu’elle a perdu la menuiserie dans laquelle elle travaillait avec son mari, sa fille et deux membres de sa famille et qu’il faut désormais repartir de zéro dans un autre quartier, en vendant des repas.« Cela faisait environ six ou sept ans que je travaillais dans la menuiserie. Nous avions un bon chiffre d’affaires, qui nous permettait de subvenir à nos besoins. Quand cela est arrivé, on est restés environ trois mois sans rien gagner, mais on continuait à dépenser. On a dû devenir locataires. Le plus difficile, c’est les enfants, c’est difficile de voir un enfant dans le besoin. Mes amis, la famille, les voisins nous ont donné un toit et un comptoir et maintenant je vends des repas, des sandwichs, des boissons fraîches. Je travaille 18 heures par jour. »
Francisca, qui, en plus de sa maison, a perdu un travail et une source de revenus, [a expliqué à Copa Pública] qu’elle continue à lutter grâce à une aide juridique gratuite afin d’obtenir une indemnisation juste pour la perte de la menuiserie – pour la maison, elle doit accepter la valeur symbolique de 3 800 reais [environ 1 400 euros] offerte par la mairie :
« J’ai tout perdu, ma maison, mon travail, la source de revenus de ma famille. Le pire, c’est pour ceux qui habitaient et travaillaient au même endroit et qui n’ont rien reçu. »
Regardez le documentaire (en portugais, sous-titré en anglais) :
Découvrez l’histoire de Elisângela dans le premier documentaire de la série
Cet article a été réalisé par le blog #CopaPública, une expérience de journalisme citoyen qui montre comment la population brésilienne est affectée par les préparatifs de la Coupe du monde 2014 – et comment elle s’organise pour ne pas être laissée de côté. Cet article d’Andrea Dip fait partie d’une édition spéciale CopaPública de l’agence Pública, et a été publiée le 1er février 2013 sous le titre Minidoc : [Francisca a tout perdu parce qu’elle est sur le trajet de la future liaison Trans-ouest]. Il a été traduit par Emmanuelle Leroy Cerqueira et publié sur Global Voices le 24 février 2013
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