Raconte-moi ton éco-quartier |
Par Antoine Louchez Par Thibaut Schepman |
A Malmö, des écolos malgré eux |
18 juillet, 14 heures. Température extérieure : 28 degrés. Nous sommes bien à Malmö, en Suède. C’est probablement la meilleure époque de l’année pour découvrir Vesträ Hamnen, l’éco-quartier construit il y a dix ans sur le port ouest de la ville. Difficile de croire qu’il n’y avait là à l’époque que déblais, grues et usines abandonnées. Un jour d’été comme celui-ci, plusieurs milliers de personnes parcourent en 20 à 30 minutes la distance qui sépare le centre ville du port Ouest. Ils flânent, profitent de la longue digue. De jeunes hommes plongent dans la mer Baltique devant l’Oresund, pont qui relie la Suède au Danemark. D’autres promènent leurs enfants ou somnolent dans les immenses jardins. La Turning Torso, deuxième plus grande tour habitée d’Europe, surplombe toute la zone. Si la ville de demain, comme le dit le prospectus, ressemble à Vasträ Hamnen, il y fera bon vivre. Mais les habitants de cette ville, à quoi ressemblent-t-ils ?
Ceux que nous avons rencontrés ont entre 30 et 40 ans - hormis les quelques têtes grises qui vivent dans la maison de retraite du quartier - vivent en couple, et ont souvent une ou deux voitures, qu’ils peinent à garer. Beaucoup arborent de grandes lunettes de soleil et leur bronzage sent le centre de beauté. Ont-ils conscience d’être perçus, fantasmés, comme les « urbains de demain » ? Non. Cette question entraîne même un étonnement amusé. « Je crois que les architectes de notre bâtiment ont fait attention aux matériaux de construction qu’ils utilisaient », avance simplement Joakim Lindstrom, qui reconnaît s’être très peu informé sur ces questions depuis son arrivée en 2008.
Charlotte Hellsen habite ici depuis cinq ans. « La seule chose qui me fait sentir que je vis dans un endroit particulier, confie-t-elle, ce sont les touristes. A part peut-être l’hiver, cela grouille ici. Je pense changer la fenêtre de ma cuisine car, parfois, j’ai l’impression d’être observée comme un singe dans un zoo ». « Je ne me sens pas plus proche de la nature, j’habitais autrefois en forêt, ce qui est très courant en Suède, et les arbres me manquent. Ce qui me plait ici, c’est l’architecture et la qualité de vie. Ce cours d’eau par exemple m’est très important ». Elle avoue ne pas savoir comment est produite son électricité, et n’a jamais entendu parler de l’éolienne du quartier. « Je crois que la municipalité a voulu impulser une démarche écologique mais je ne sais pas trop ce que ça a donné ».
Une unanimité se dégage des personnes interrogées. Ce qui attire les gens ici n’est pas de vivre dans un éco-quartier ou de mener un train de vie plus durable. C’est le confort, la qualité de vie et, surtout, la mer. « A part le fait que je recycle, je n’ai pas l’impression de vivre dans un immeuble durable », lâche même Magnus Larsson, sac de déchets en papier à la main, qui vit au 28ème étage de la Turning Torso.
Tor Fossum avance lui de nombreux chiffres : « le quartier BoO1 – le plus vieux, né en 2001 – fonctionne totalement à l’énergie renouvelable : solaire, éolienne, géothermique. L’éolienne située sur le port alimente mille appartements. Nous ne voulons pas éduquer les gens, poursuit-il, notre projet n’est pas pédagogique, nous ne voulons pas les forcer à changer leur style de vie ». Sauf sur la question de la mobilité. « Nous avons construit des places de parking pour seulement 0,7 voiture par foyer en moyenne. Les gens doivent donc d’eux-même apprendre à se déplacer autrement ». Charlotte Hellsen nous a avoué avoir un problème de parking avec ses deux voitures, ce qui était aussi le cas de ses voisins. Nous avons vu des voitures garées un peu partout, jusque dans des endroits improbables. S’attendait-il à une telle demande d’espace ? « Non » , avoue Tor Fossum avec une certaine déception. « Beaucoup s’obstinent à avoir plus de voitures qu’ils n’en ont besoin, alors que l’on aurait pu s’attendre à ce qu’ils choisissent le vélo. Mais, au final, c’est leur problème ! », reprend-il.
Lors de notre reportage, nous avons aperçu quelques personnes de couleurs dans le quartier, en ce jour de repos dominical. Mais aucune le jour suivant. D’après plusieurs habitants, la mixité est beaucoup plus grande dans le quartier écologique d’Augustenborg, dans le sud de Malmö. A vérifier dans un prochain épisode, sur ce blog !
Paroles d’habitants
Mais d’abord, le portrait en trois questions à Joakim et Ann-Christin. La trentaine, ils travaillent tous les deux dans le marketing sportif. Ils vivent à Vasträ Hamnen depuis 2008, dans le quartier « Good conversation », où la ville expérimente des méthodes de « sociabilité durable » : avec des vis-à-vis importants dans les immeubles et un conseil de quartier.
Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir. |
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