Le plan de métro des meilleurs burgers de Paris paru au début du mois de septembre n’est que la dernière manifestation de l’engouement tricolore pour le sandwich américain qui, au passage, a perdu son « ham » (jambon). Car c’est bien de bœuf dont il s’agit ici, sous forme de steak bien épais, bien juteux, cuit à point s’il vous plaît. Problème : cet appétit n’est pas du tout du goût de la planète – ni, au passage, de nos artères.
Des chercheurs britanniques ont publié ce mois-ci une étude dans la revue Nature Climate Change dans laquelle ils alertent sur le fait que, si de plus en plus d’habitants continuent de craquer pour le régime américain riche en protéines, notamment bovines, les conséquences pour l’environnement pourraient tout simplement être dévastatrices...
Quand le burger rattrape le sandwich
En France, on mange aujourd’hui deux fois plus de burgers au restaurant qu’en 2008. Il s’en est vendu l’an dernier 900 millions, talonnant de près le sandwich – essentiellement au saucisson et au poulet – et son milliard d’unités englouties en 2013, rapporte NPD Group, société internationale d’études marketing. En 2012, les Français consommaient 14 burgers par personne et par an au restaurant. Soit 17% de plus qu’en 2011 et 9% de moins qu’en 2013.
Les occasions de croquer dans un steak emprisonné entre deux morceaux de pain brioché seront plus nombreuses encore ces prochains mois. Chefs étoilés, brasseries, camions ambulants : tout le monde s’y met. Burger King prévoit l’ouverture de 25 restaurants dans l’Hexagone rien que cette année. La chaîne Mythic Burger, première enseigne nationale de burgers « gourmets » livrés à domicile, a cinq restaurants à son actif et compte en ouvrir 50 autres dans les 30 prochains mois. Ces burgers dits « premium » car plus hauts de gamme que la crêpe vendue dans les fast foods, sont aussi bien plus gros. Désormais, au restaurant, les consommateurs français commandent trois fois plus souvent un burger qu’un steak ou tout autre plat à base de bœuf.
Burger – bourguignon : le match
Pour autant, la consommation globale de viande bovine est en diminution. Interbev, l’association nationale inter-professionnelle du bétail, indique par mail à Terra eco que si « la consommation de steak haché augmente en France (= 30% des consommations de viande bovine), les niveaux globaux de consommation de viande bovine diminuent (-20% en vingt ans) ». Les morceaux à bourguignon ou à pot au feu sont désormais hachés. Le steak remplace le plat mijoté, il ne s’y ajoute pas dans nos assiettes.
Alors, pourquoi s’inquiéter ? D’autant plus que Dominique Daul, éleveur-engraisseur en Alsace et également spécialiste des questions environnementales-élevages au sein de l’Interbev, l’interprofession bétail et viande, est convaincant quand il défend son bifteck : « On fait souvent l’amalgame entre régime à l’américaine et élevage à l’américaine. Mais ce n’est pas du tout le cas. En France, le troupeau moyen est d’une centaine de bêtes (plutôt 50, selon Interbev, ndlr) contre des milliers aux Etats-Unis. Les bovins français broutent sur 13 millions d’hectares de terres, vrais puits de carbone qui ne peuvent de toute façon pas être valorisés autrement que par des ruminants. Leurs matières organiques fertilisent les terres et les éleveurs qui cultivent la nourriture pour leur bétail sont très sensibles à l’état de leurs sols. »
Un problème plus mondial que français
Dernier argument massue, les bovins « en plus d’entretenir le territoire, contribuent à maintenir un tissu économique et social dans les campagnes ». Vive les burgers bleu-blanc-boeuf ? Il semble en tout cas que l’engouement pour ce plat n’a pas d’impact sur le paysage bovin français. Si les chercheurs britanniques tirent la sonnette d’alarme, c’est au niveau mondial.
Car la France n’est pas la seule touchée par la burger mania. Le reste de l’Europe également, mais aussi certains pays en voie de développement, où la classe moyenne succombe à l’American diet, à 2 500 calories par jour. Les scientifiques craignent donc que, dans les décennies à venir, on doive convertir une partie des forêts en pâtures pour accueillir toujours plus de ruminants dont les émanations de méthane sont de terribles gaz à effet de serre.
A la diète !
Des champs destinés à la nourriture humaine verront demain leurs productions aller tout droit dans la gueule des meuglantes. De quoi augmenter les émissions de gaz à effet de serre issues de la production de nourriture de... 80% d’ici à 2050 ! « Si l’on maintient le rythme actuel de production de nourriture, l’espace occupé par les terres arables aura augmenté de 42% et l’usage d’engrais de 45% par rapport aux niveaux de 2009 », alertent les chercheurs qui estiment qu’à moins d’un bouleversement radical de régime, l’industrie alimentaire va être largement responsable du changement climatique.
Alors, si on ne veut pas bouder les burgers, on peut toujours opter pour les filets de poulet. En effet, 1 kg de poulet est responsable de l’émission de 1,86 kg équivalent CO2 quand la même quantité de bœuf en rejette 8,52 kg dans l’atmosphère, selon une étude d’AgroParisTech. On peut aussi choisir un steak de soja, à condition qu’il ne soit pas OGM. On peut également manger des burgers sans viande, ni soja…
A lire aussi sur Terraeco :
Du poulet nourri aux OGM ? Ça se passe comme ça chez McDonald’s Europe !
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions