Le mouvement est né en 2008 en Estonie, sur un sol parsemé de déchets. « Après l’occupation soviétique, l’attitude n’était pas très bonne en Estonie. On pouvait à peine marcher 200 mètres avant de rencontrer un nouveau tas de détritus. Et le gouvernement n’avait pas les moyens de faire grand chose », se souvient Rainer Nõlvak, aujourd’hui « motivateur en chef » du World Cleanup.
Alors il lance une « action de la dernière chance ». Avec ses amis puis les amis de ses amis, il arpente pendant sept mois les routes estoniennes, notant scrupuleusement toutes les décharges illégales, formant semaine après semaine « la carte la plus laide du pays ». 10 000 tonnes de détritus en tout genre sont ainsi répertoriés. Pour les trier en 5 catégories et les évacuer en une seule journée (le moyen de rendre l’action plus « fun » et plus efficace, assure Rainer Nõlvak) il faut… 40 000 personnes, selon les calculs de l’équipe. 50 000 répondent à l’appel le jour J aux 260 points de ralliement répartis à travers tout le pays. Soit 3,6% de la population. En retroussant leurs manches, les volontaires battent même des records de vitesse, expédiant le travail en cinq heures, grâce – quand même – à quelques machines. Pour mener une opération de nettoyage de cette envergure, le gouvernement aurait dû débourser 22,5 millions d’euros et s’affairer pendant trois ans, assure une vidéo narrant l’opération.
« Nous n’avions pas ressenti ça en tant que nation depuis longtemps. Cette impression de pouvoir changer les choses. Ce n’était pas une manifestation contre quelque chose, on ne se plaignait pas, on ne demandait pas de l’argent, on mettait nos vêtements sales et on se mettait à l’action, pour une cause », se souvient Rainer. Le succès de l’opération ? Les organisateurs le doivent à une très forte mobilisation médiatique, au soutien de nombreuses personnalités du show biz, des politiques, des ONG. Seules les entreprises habituellement chargées de gérer les ordures ne voient pas la campagne d’un bon œil. Il faut dire que la chose est illégale : pour avoir le droit de gérer des ordures, il faut une licence spéciale. « Ils nous ont menacés. Ils nous ont dit : “ donnez-nous un million d’euros et on vous fait la même chose ”. Sauf que nous, ça ne nous a rien coûté. » Le demi million d’euros de frais divers (notamment le carburant destiné aux camions ou aux tractopelles et les taxes pour le recyclage des déchets) a été réglé par près de 600 entreprises partenaires.
Et le résultat valait bien quelques suées. En Estonie, il est ensuite « devenu honteux de jeter des ordures dans la nature. Cela a changé l’attitude des plus récalcitrants. Certes, il y a encore des décharges illégales près des grandes villes mais en petite quantité. Les villes peuvent s’en occuper », souligne Rainer Nõlvak.
Débarrasser la planète de 100 millions de tonnes de détritus
Mieux, la campagne a fait des petits. Après l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Portugal, l’Inde, la Slovénie, la Serbie, la Finlande, la Roumanie, la Bulgarie, la Moldavie, l’Ukraine, le Cambodge, la Russie, la Hongrie et le Brésil lui emboîtent le pas. Seize pays en tout.
Alors pourquoi pas tous ? En février, le mouvement Let’s do it et son équipe de coordinateurs des premiers jours appelle les pays volontaires à se manifester. Huit mois plus tard, 60 nations ont répondu à l’appel. Leur objectif ? Débarrasser la planète des 100 millions de tonnes de détritus qui la jonchent illégalement. Pour cela, il faudra 300 millions de participants dans chacun des pays. Le jour ne sera pas le même pour tous, questions climatiques oblige mais l’action devra avoir lieu entre le 24 mars et le 25 septembre 2012. En France, elle se tiendra le premier jour. Utile pour la planète, pour la société aussi. « C’est une bonne manière de lier les gens entre eux. Nous avons finalement de la chance d’avoir les ordures pour ça », s’amuse Rainer Nõlvak.
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